Production : Roman Bornstein | Réalisation : Thomas Dutter | Mixage : Morgan Danan
De 1941 à 1945, l'Allemagne nazie tente d'exterminer les juifs d’Europe. Par les privations, le travail forcé, les exécutions de masse et le gazage, entre 5 et 6 millions d'êtres humains sont tués. Au sortir de la guerre, un silence gêné entoure cette question. Le sort réservé à la communauté juive est connu, mais les discours officiels ne le distinguent pas des autres exactions subies par le reste des populations européennes. Au procès de Nuremberg chargé de juger les crimes nazis, aucun survivant juif n’est appelé à témoigner. Certains nostalgiques du Troisième Reich et de Vichy vont profiter de ce non-dit pour tenter de faire de la destruction des juifs d'Europe un non-événement. Rapidement, ils sont rejoints par d'étonnants alliés de circonstance venus des rangs de la gauche française. Tous répandent l'idée que le génocide n'aurait en réalité jamais eu lieu : les juifs auraient tout inventé pour obtenir de l'argent et justifier la création de l'Etat d'Israël. En compagnie de Valérie Igounet, historienne et directrice adjointe de l’Observatoire du conspirationnisme, nous remontons aux origines de cette théorie complotiste.
Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, des nostalgiques du régime nazi et de Vichy entreprennent d’en réécrire l’Histoire. Le premier à s’illustrer est l’écrivain français Maurice Bardèche. Normalien et agrégé de lettres, il a épousé la sœur de Robert Brasillach, un célèbre écrivain antisémite exécuté à la Libération pour avoir collaboré avec les nazis. Pour réhabiliter son beau-frère, ce fasciste revendiqué entreprend de laver les nazis de leurs crimes. Pour lui, les Juifs sont à l’origine du déclenchement de la guerre. Cherchant à soutirer des réparations financières aux Allemands et ayant besoin de justifier la création de l’Etat d’Israël, ils ont ensuite inventé les chambres à gaz et le génocide dont ils prétendent avoir été les victimes.
Dans le petit milieu des anciens collaborateurs lettrés qui refusent d’admettre les crimes de leurs amis nazis, Maurice Bardèche et son livre deviennent des références. Bientôt, d’autres le rejoignent. Parmi eux, le profil de Paul Rassinier détonne. Militant de gauche, résistant torturé par la Gestapo, il a été déporté au camp de concentration de Buchenwald. S’il n’a jamais été dans un camp d’extermination, il a néanmoins été un témoin privilégié des crimes des Allemands. Malgré cela, il reprend à son compte les thèses de Maurice Bardèche dans des livres que vont s’empresser de diffuser des librairies d’extrême droite.
Un homme jouera un rôle central dans leur promotion : François Duprat. A la tête de plusieurs revues d’extrême droite, il travaille avec Maurice Bardèche et fait traduire en français des textes négationnistes venus de l’étranger. Bras droit de Jean-Marie Le Pen, cofondateur du Front National, son antisémitisme et son négationnisme influenceront l’extrême droite française pendant des décennies.
Porté par des nostalgiques autoproclamés du nazisme, leur combat reste pendant 30 ans une affaire confidentielle. Mais en 1978, un homme aux apparences bien plus présentables va réussir à porter la question négationniste sur le devant de la scène : Robert Faurisson.
Agrégé de lettres, avide de reconnaissance et de célébrité, cet enseignant en littérature exerce à l’Université Lyon II après une carrière au lycée ou il s’est signalé par sa brutalité. Membre d’associations de défense de la mémoire de Pétain et de sauvegarde de l’Algérie française, il a lu attentivement les livres de Maurice Bardèche et de Paul Rassinier. Robert Faurisson est un homme d’extrême droite, mais il avance masqué. En se présentant comme un chercheur apolitique, il entend donner plus de poids à ses propos. En invoquant la science, Faurisson veut faire croire que c’est la raison qui le guide.
Il élabore donc un négationnisme technique : d’après lui, il est scientifiquement impossible que les chambres à gaz aient pu fonctionner. Il rédige quelques tracts qu’il tente pendant des mois de faire publier dans des journaux. Spécialiste de littérature française, il n’est nullement qualifié pour parler ni d’Histoire ni d'ingénierie. En décembre 1978, ses efforts finissent malgré tout par payer : le quotidien Le Monde accepte de publier un de ses articles. C’est le début de l’Affaire Faurisson. Elle durera 40 ans.
Les caméras se précipitent autour de ce débatteur habile et érudit qui joue avec talent la carte de la victimisation. Procédurier, il engage des avocats pour exiger des droits de réponse à chaque critique qui lui est adressée dans les journaux. Les polémiques s’enchaînent, et il engrange des soutiens. Les militants d’extrême droite sont ravis de pouvoir se cacher derrière le vernis universitaire apporté par Robert Faurisson.
Dans certaines franges de la gauche pro-palestinienne, la théorie selon laquelle les Juifs auraient inventé les chambres à gaz permet de remettre en cause la légitimité de l’existence de l’Etat d’Israël. Loin d’être franco-française, l’Affaire Faurisson rencontre un écho international. Au nom de la liberté d’expression, le célèbre linguiste américain Noam Chomsky lui apporte son soutien dans un texte que Robert Faurisson, trop heureux de cette caution intellectuelle et morale, s’empresse de publier en préface de son ouvrage. Aux Etats-Unis, des réseaux proches du KKK invitent Faurisson à s’exprimer dans des conférences négationnistes ou il est accueilli comme une référence mondiale du mouvement.
En France, Jean Marie le Pen se fait le continuateur de l’oeuvre de son ami François Duprat en demandant publiquement si le génocide des Juifs “est une vérité révélée à laquelle tout le monde doit croire”. Grâce à Robert Faurisson, le négationnisme est désormais sur la place publique.
En 1990 le parlement vote la loi Gayssot, grâce à laquelle Robert Faurisson est rapidement condamné. Le négationnisme est devenu un délit. Mais une loi ne suffit pas pour arrêter une rumeur. Dans le sillage de Robert Faurisson et de ses tracts, de nouvelles figures et de nouveaux outils font entrer le négationnisme dans la modernité, en France comme à l’étranger.
Roger Garaudy est de ceux-là. Professeur de philosophie, ancien résistant, Roger Garaudy a été député et a occupé les plus hautes fonctions au sein du Parti Communiste Français. Successivement athée, protestant, communiste, catholique puis musulman, il a eu plusieurs vies, plusieurs fidélités. Mais chez lui, le négationnisme est une constante. Avant de reconnaître s’être trompé, il avait déjà nié pendant des décennies la réalité des goulags soviétiques et des crimes de Staline.
Après sa conversion à l’Islam, son antisionisme obsessionnel le pousse à reprendre à son compte les thèses de ses prédécesseurs : les Juifs ont propagé le mythe des chambres à gaz pour justifier la création de l’Etat d’Israël. Le livre dans lequel il explique sa théorie fait d’autant plus scandale qu’il reçoit le soutien de l’un de ses meilleurs amis, l’Abbé Pierre. Condamné par la justice, Roger Garaudy devient néanmoins une personnalité respectée dans l’ensemble du monde arabe où il est reçu avec égards par les autorités politiques et religieuses pour donner des conférences négationnistes.
Pendant que Roger Garaudy parcourt le monde, Robert Faurisson semble passer au second plan. Les médias s’intéressent moins à lui. Sa mégalomanie fatigue ses compagnons de route, qui lui préfèrent désormais un Garaudy jugé plus facile d’accès. Mais les problèmes de santé de ce dernier l’empêchent bientôt de se déplacer, et Robert Faurisson en profite pour le remplacer. De nouveau dans la lumière, il profite de l’arrivée d’Internet pour introduire ses idées auprès des nouvelles générations. Deux hommes lui apporteront une aide décisive : Dieudonné et Alain Soral.
Production : Roman Bornstein | Réalisation : Thomas Dutter | Mixage : Morgan Danan
De 1941 à 1945, l'Allemagne nazie tente d'exterminer les juifs d’Europe. Par les privations, le travail forcé, les exécutions de masse et le gazage, entre 5 et 6 millions d'êtres humains sont tués. Au sortir de la guerre, un silence gêné entoure cette question. Le sort réservé à la communauté juive est connu, mais les discours officiels ne le distinguent pas des autres exactions subies par le reste des populations européennes. Au procès de Nuremberg chargé de juger les crimes nazis, aucun survivant juif n’est appelé à témoigner. Certains nostalgiques du Troisième Reich et de Vichy vont profiter de ce non-dit pour tenter de faire de la destruction des juifs d'Europe un non-événement. Rapidement, ils sont rejoints par d'étonnants alliés de circonstance venus des rangs de la gauche française. Tous répandent l'idée que le génocide n'aurait en réalité jamais eu lieu : les juifs auraient tout inventé pour obtenir de l'argent et justifier la création de l'Etat d'Israël. En compagnie de Valérie Igounet, historienne et directrice adjointe de l’Observatoire du conspirationnisme, nous remontons aux origines de cette théorie complotiste.
Dans le petit milieu des anciens collaborateurs lettrés qui refusent d’admettre les crimes de leurs amis nazis, Maurice Bardèche et son livre deviennent des références. Bientôt, d’autres le rejoignent. Parmi eux, le profil de Paul Rassinier détonne. Militant de gauche, résistant torturé par la Gestapo, il a été déporté au camp de concentration de Buchenwald. S’il n’a jamais été dans un camp d’extermination, il a néanmoins été un témoin privilégié des crimes des Allemands. Malgré cela, il reprend à son compte les thèses de Maurice Bardèche dans des livres que vont s’empresser de diffuser des librairies d’extrême droite.
Un homme jouera un rôle central dans leur promotion : François Duprat. A la tête de plusieurs revues d’extrême droite, il travaille avec Maurice Bardèche et fait traduire en français des textes négationnistes venus de l’étranger. Bras droit de Jean-Marie Le Pen, cofondateur du Front National, son antisémitisme et son négationnisme influenceront l’extrême droite française pendant des décennies.
Porté par des nostalgiques autoproclamés du nazisme, leur combat reste pendant 30 ans une affaire confidentielle. Mais en 1978, un homme aux apparences bien plus présentables va réussir à porter la question négationniste sur le devant de la scène : Robert Faurisson.
Agrégé de lettres, avide de reconnaissance et de célébrité, cet enseignant en littérature exerce à l’Université Lyon II après une carrière au lycée ou il s’est signalé par sa brutalité. Membre d’associations de défense de la mémoire de Pétain et de sauvegarde de l’Algérie française, il a lu attentivement les livres de Maurice Bardèche et de Paul Rassinier. Robert Faurisson est un homme d’extrême droite, mais il avance masqué. En se présentant comme un chercheur apolitique, il entend donner plus de poids à ses propos. En invoquant la science, Faurisson veut faire croire que c’est la raison qui le guide.
Il élabore donc un négationnisme technique : d’après lui, il est scientifiquement impossible que les chambres à gaz aient pu fonctionner. Il rédige quelques tracts qu’il tente pendant des mois de faire publier dans des journaux. Spécialiste de littérature française, il n’est nullement qualifié pour parler ni d’Histoire ni d'ingénierie. En décembre 1978, ses efforts finissent malgré tout par payer : le quotidien Le Monde accepte de publier un de ses articles. C’est le début de l’Affaire Faurisson. Elle durera 40 ans.
Les caméras se précipitent autour de ce débatteur habile et érudit qui joue avec talent la carte de la victimisation. Procédurier, il engage des avocats pour exiger des droits de réponse à chaque critique qui lui est adressée dans les journaux. Les polémiques s’enchaînent, et il engrange des soutiens. Les militants d’extrême droite sont ravis de pouvoir se cacher derrière le vernis universitaire apporté par Robert Faurisson.
Dans certaines franges de la gauche pro-palestinienne, la théorie selon laquelle les Juifs auraient inventé les chambres à gaz permet de remettre en cause la légitimité de l’existence de l’Etat d’Israël. Loin d’être franco-française, l’Affaire Faurisson rencontre un écho international. Au nom de la liberté d’expression, le célèbre linguiste américain Noam Chomsky lui apporte son soutien dans un texte que Robert Faurisson, trop heureux de cette caution intellectuelle et morale, s’empresse de publier en préface de son ouvrage. Aux Etats-Unis, des réseaux proches du KKK invitent Faurisson à s’exprimer dans des conférences négationnistes ou il est accueilli comme une référence mondiale du mouvement.
En France, Jean Marie le Pen se fait le continuateur de l’oeuvre de son ami François Duprat en demandant publiquement si le génocide des Juifs “est une vérité révélée à laquelle tout le monde doit croire”. Grâce à Robert Faurisson, le négationnisme est désormais sur la place publique.
En 1990 le parlement vote la loi Gayssot, grâce à laquelle Robert Faurisson est rapidement condamné. Le négationnisme est devenu un délit. Mais une loi ne suffit pas pour arrêter une rumeur. Dans le sillage de Robert Faurisson et de ses tracts, de nouvelles figures et de nouveaux outils font entrer le négationnisme dans la modernité, en France comme à l’étranger.
Roger Garaudy est de ceux-là. Professeur de philosophie, ancien résistant, Roger Garaudy a été député et a occupé les plus hautes fonctions au sein du Parti Communiste Français. Successivement athée, protestant, communiste, catholique puis musulman, il a eu plusieurs vies, plusieurs fidélités. Mais chez lui, le négationnisme est une constante. Avant de reconnaître s’être trompé, il avait déjà nié pendant des décennies la réalité des goulags soviétiques et des crimes de Staline.
Après sa conversion à l’Islam, son antisionisme obsessionnel le pousse à reprendre à son compte les thèses de ses prédécesseurs : les Juifs ont propagé le mythe des chambres à gaz pour justifier la création de l’Etat d’Israël. Le livre dans lequel il explique sa théorie fait d’autant plus scandale qu’il reçoit le soutien de l’un de ses meilleurs amis, l’Abbé Pierre. Condamné par la justice, Roger Garaudy devient néanmoins une personnalité respectée dans l’ensemble du monde arabe où il est reçu avec égards par les autorités politiques et religieuses pour donner des conférences négationnistes.
Pendant que Roger Garaudy parcourt le monde, Robert Faurisson semble passer au second plan. Les médias s’intéressent moins à lui. Sa mégalomanie fatigue ses compagnons de route, qui lui préfèrent désormais un Garaudy jugé plus facile d’accès. Mais les problèmes de santé de ce dernier l’empêchent bientôt de se déplacer, et Robert Faurisson en profite pour le remplacer. De nouveau dans la lumière, il profite de l’arrivée d’Internet pour introduire ses idées auprès des nouvelles générations. Deux hommes lui apporteront une aide décisive : Dieudonné et Alain Soral.
Production : Roman Bornstein | Réalisation : Thomas Dutter | Mixage : Morgan Danan
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