La mort de la princesse Diana, le 31 août 1997, continue d’inspirer les théories du complot les plus populaires. Lesquelles trouvent leur source dans une campagne de désinformation massive lancée par le milliardaire égyptien Mohamed Al-Fayed.
Pour les Français, le dimanche 31 août 1997 n’aurait dû être qu’un dimanche, le dernier des « grandes vacances », en attendant la rentrée scolaire. Mais voici qu’à leur réveil ils apprennent – et le monde avec eux – la terrible nouvelle : Lady Diana, princesse de Galles – « Lady Di », dont la vie, images à l’appui, s’étalait dans les colonnes des tabloïds –, est morte dans la nuit, victime d’un accident de voiture à Paris, dans le tunnel du pont de l’Alma.
On compte également parmi les victimes son amant du moment, Emad Al-Fayed (surnommé « Dodi »), fils de l’homme d’affaires égyptien Mohamed Al-Fayed, ainsi que le chauffeur du véhicule qui les transportait, Henri Paul, chef de la sécurité de l’Hôtel Ritz. Seul le garde du corps du couple, Trevor Rees-Jones, survivra à ses blessures.
L’onde de choc est à la hauteur du mythe dont était entouré le personnage : alors âgée de trente-six ans, et sortant à peine de son divorce avec le Prince Charles, Diana Spencer avait su allier son charme à un admirable dévouement humanitaire, devenant aux yeux du public une « princesse des cœurs ». Tristesse, incompréhension et incrédulité bouleversent l’opinion en sentiments mêlés. On prête même à la Reine Elizabeth II ce premier commentaire : « Quelqu’un a dû graisser ses freins ! » [1]
De fait, la splendeur poignante des funérailles, la « vague collective d'émotion nationale » qui submerge le Royaume-Uni, bref la transformation d’une figure « people » en icône tragique [2], ne dissipent pas, bien au contraire, les premières rumeurs. Diana Spencer elle-même, peu avant de mourir, avait déclaré au Monde : « … je dérange certains cercles. Parce que je suis beaucoup plus proche des gens d'en bas que des gens d'en haut, et que ces derniers ne me le pardonnent pas. » [3] Au point de l’assassiner ?
Décourageons d’emblée les amateurs de sensationnel : deux enquêtes judiciaires, l’une française, conduite de 1997 à 1999 par le juge d’instruction Hervé Stéphan avec l’aide de la Brigade criminelle de Paris [4], l’autre britannique, menée de 2004 à 2008, avec l’appui de Scotland Yard, vont minutieusement établir, à partir de plusieurs expertises scientifiques et de centaines de témoignages, que Lady Diana a effectivement été victime d’un accident.
Scotland Yard consacrera même un rapport de 832 pages à la réfutation, ligne par ligne, des théories complotistes – ce que l’on appellera l’Opération Paget. Des journalistes d’investigation, tels le Britannique Martyn Gregory [5] et le Français Jean-Michel Caradec’h [6], disqualifieront également la « piste criminelle » au terme de recherches quasi-exhaustives. Ces conclusions, officielles aussi bien que privées, mettent de surcroît en lumière la responsabilité – certes indirecte – du clan Al-Fayed dans l’accident.
Revenons d’abord au contexte – c’est-à-dire à l’été 1997. Diana Spencer est, enfin, une femme libre. Divorcée du Prince Charles l’année précédente, elle a conservé – de manière honorifique – son titre de Princesse de Galles. Elle sort également d’une liaison amoureuse passionnée avec un chirurgien britannique d’origine pakistanaise, Hasnat Khan. Cherchant un lieu de villégiature pour elle et ses deux fils, à l’abri de la presse à scandales, elle accepte la proposition d’un milliardaire égyptien, Mohamed Al-Fayed, de passer quelques jours à bord de son yacht Jonikal – acheté vingt millions de dollars pour l’occasion !
Pour cet homme d’affaires parti de rien, devenu propriétaire d’un vaste empire incluant le magasin de luxe Harrods, à Londres, et l’Hôtel Ritz, à Paris, c’est l’occasion d’accéder au club très fermé de l’establishment anglais, qui lui refuse, avec mépris, l’octroi de la nationalité britannique… A sa demande, son fils Emad, surnommé « Dodi », producteur de cinéma dilettante et jet-setteur accompli, les rejoint le 14 juillet. Lui et Diana ne tardent pas à entamer une liaison, révélée au grand public par le tabloïd Sunday Mirror le 10 août 1997 [7]. Ce qui « a peut-être été ressenti par le père de Dodi comme un moment de doux triomphe sur cet establishment, écrira Salman Rushdie. Diana vivante était le trophée ultime. » [8]
Diana Spencer voyage beaucoup au mois d’août, et ne passe que quelques jours avec son nouvel amant [9]. Le 30 août, le couple atterrit à Paris et, suivi par les paparazzi, s’attarde une demi-heure à la Villa Windsor [10], avant de rejoindre l’Hôtel Ritz vers 16 heures 30. Dodi Al-Fayed en profite pour faire acheter une bague à Diana Spencer à la bijouterie Repossi, Place Vendôme. Vers 19 heures, le couple quitte l’hôtel pour se rendre à l’appartement de Dodi Al-Fayed, les paparazzi sur leurs talons. A 21 heures 30, Dodi Al-Fayed et Diana Spencer sortent de l’appartement pour dîner au restaurant « Chez Benoît » mais, en cours de route, Dodi Al-Fayed donne l’ordre à son chauffeur de retourner au Ritz, où ils arrivent à 21 heures 50. Ils se sustentent finalement dans la Suite Impériale de l’établissement.
Ce retour inopiné surprend le personnel du Ritz, d’autant que le couple amène dans son sillage un flot de photographes de presse, ce qui génère des tensions. Or, pareille impréparation est lourde de conséquences.
Tout d’abord, en effet, le chef de la sécurité de l’hôtel, Henri Paul, qui avait fini sa journée, doit revenir sur place à 22 heures, ce qu’il n’avait nullement prévu. Ensuite, sans doute agacé par l’agitation des paparazzi, à laquelle, tout noceur qu’il soit, il n’est nullement acclimaté, Dodi Al-Fayed concocte un plan pour les leurrer : au mépris des règles de sécurité, il laisse devant l’hôtel son véhicule personnel – conduit par son chauffeur attitré – ainsi que la voiture réservée aux gardes du corps, aux fins d’attirer les regards ; au même moment, à l’arrière du palace, lui et Diana embarquent dans un autre véhicule, une limousine Mercedes-Benz S280, avec un seul garde du corps, Trevor Rees-Jones ; en l’absence de chauffeur professionnel disponible, Henri Paul fait office de conducteur. Les gardes du corps de Dodi Al-Fayed désapprouvent ce projet, mais Mohamed Al-Fayed le valide en personne, lors d’un rapide échange téléphonique avec son fils [11].
Las ! Ce qu’ignorent ou négligent Mohamed et Dodi Al-Fayed, c’est que, ce soir-là, Henri Paul est ivre [12], et même sous antidépresseurs [13]. L’intéressé soignait certes des problèmes d’alcool et de dépression, lesquels apparaissaient, finalement, sous contrôle ; mais il a bu, ce 30 août, car il ne s’attendait pas à reprendre du service dans la soirée, encore moins à véhiculer Dodi Al-Fayed et Lady Diana [14]. En outre, Henri Paul, certes titulaire du permis de conduire, et semble-t-il prudent au volant, n’est pas habilité à conduire la limousine, qu’il n’a d’ailleurs jamais pilotée. Henri Paul, pour sa part, n’ose pas désobéir au fils du propriétaire du Ritz, « par respect de la hiérarchie » supposera son ex-compagne [15].
Dodi Al-Fayed et Diana Spencer quittent donc le Ritz, conduits par un chauffeur en état d’ivresse, le 31 août 1997 à minuit vingt. Mais la diversion est éventée, et des photographes de presse, en moto comme en voiture, s’emploient à suivre la Mercedes. Le public s’imagine volontiers la limousine coursée par des paparazzi « comme des apaches attaquant une diligence » [16], mais il n’en est rien : Henri Paul, pied au plancher, les distance facilement. Vers quelle destination ? On ne le saura jamais avec certitude, car Dodi Al-Fayed impose à Henri Paul des changements de parcours.
Quelques minutes plus tard, la Mercedes, laissant loin derrière les photographes, s’engage à toute allure dans le tunnel du Pont de l’Alma, roulant à 118, voire 155 kilomètres à l’heure [17] ! Cherchant à contourner par la gauche une Fiat Uno blanche, qui roule à 50 km/h, Henri Paul accroche le pare-chocs arrière de cette automobile, puis perd le contrôle de son véhicule, qui percute à 105 km/h le treizième pilier du tunnel [18].
C’est un carnage, aggravé par la circonstance qu’aucun des passagers n’a pris le soin d’attacher sa ceinture de sécurité [19] : Henri Paul et Dodi Al-Fayed sont tués, Trevor Rees-Jones est grièvement blessé ; Diana Spencer, soignée par un médecin arrivé sur place par hasard, le Dr Frédéric Mailliez [20], est prise en charge par le SAMU, mais son état ne laisse aucune place à l’espoir : elle est déclarée morte à 4 heures du matin, au bloc opératoire de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Des décisions erratiques, presque désinvoltes, prises par un Dodi Al-Fayed exaspéré par la presse à scandales, et approuvées par son père ; un chauffeur dont ce n’était pas le métier, sous l’emprise de l’alcool et d’antidépresseurs ; une conduite effectivement irresponsable, battant des records de vitesse en agglomération ; ajoutons l’absence de port de la ceinture de sécurité : la mort accidentelle de Lady Diana doit tout à cet enchaînement fatal. Or, ces faits, il faut du temps à l’instruction française pour les établir, sachant, du reste, qu’elle est soumise au secret : de quoi offrir un vaste espace aux théories complotistes, qui courent toujours plus vite que la vérité.
Comme toujours, celles-ci se fondent sur des faits établis pour en tirer des conclusions ineptes. Ainsi, il est exact que le conducteur de la fameuse Fiat Uno n’a jamais été retrouvé, et que le système de vidéo-surveillance parisien n’a pu être exploité. Mais il est probable que ledit chauffeur ne s’est pas identifié parce qu’il goûtait mal la perspective d’être traqué par la presse à scandales [21]. Quant aux caméras de vidéo-surveillance, elles ne filmaient que l’entrée des bâtiments, tandis que les caméras du trafic routier dans le secteur du Pont de l’Alma relevaient de la Compagnie de Circulation Urbaine de Paris, qui fermait ses portes à 23 heures et ne procédait à aucun enregistrement [22].
Qu’importe ! Deux heures après l’accident, et alors que Diana Spencer est encore en vie, le « Conspiracy Theory Discussion Board » dénonce d’emblée une conspiration [23] ; dans les jours qui suivent, l'EIR, la publication éditée par l’officine du publiciste d’extrême droite américain Lyndon LaRouche « s’interroge » sur les circonstances du drame.
Parallèlement, le monde arabe bruisse d’une rumeur extravagante : Diana Spencer allait se convertir à l’Islam, ce qui aurait conduit « l’establishment » occidental à décréter sa mort. Le colonel Kadhafi élève lui-même le débat en dénonçant, le 8 septembre 1997, un « crime raciste » perpétré par les services de renseignements britanniques et français ! De son côté, la propagande irakienne de Saddam Hussein insinue plus modestement que les espions britanniques ont éliminé Diana à cause de son rôle politique grandissant...
Ces divagations ne sont rien toutefois, comparées à la campagne de désinformation massive que déclenche Mohamed Al-Fayed. Ses motivations interrogent : a-t-il agi par colère contre « l’establishment », qu’il jugeait, irrationnellement, responsable de la mort de son fils ? Ou bien s’est-il efforcé de faire oublier ses responsabilités – et celles de Dodi – dans l’accident, sachant qu’Henri Paul était leur salarié ?
Le fait est qu’avec l’aide de son chef de la sécurité, John Macnamara, Mohamed Al-Fayed mobilise ses relais médiatiques pour diffuser de fausses informations sur l’accident. Or Macnamara admettra, onze ans plus tard, que ces rumeurs ne reposaient sur rien, voire étaient totalement mensongères...
Mohamed Al-Fayed s’attaque d’abord à une cible facile : les paparazzi [24]. Mais ceux-ci, trop éloignés de la Mercedes lors de l’accident, seront mis hors de cause. Simple mécompte pour Al-Fayed, lequel n’a pas tardé à vitupérer un complot aux larges ramifications.
Le 3 septembre 1997, l’oncle par alliance de Mohamed Al-Fayed inaugure la rumeur selon laquelle Diana allait épouser Dodi Al-Fayed [25] (la bague achetée le 30 août 1997 aurait marqué leurs fiançailles [26]). Deux jours plus tard, le porte-parole du milliardaire prétend qu’Henri Paul n’était ni ivre, ni drogué, ce qui conduira Fayed et ses affiliés à prétendre ensuite que les tests sanguins effectués sur le cadavre d’Henri Paul seraient truqués, que le sang analysé ne serait pas le sien… L’année suivante, Mohamed Al-Fayed lui-même assène que Diana était enceinte de Dodi [27].
Et d’embrayer sur le mobile du « crime » : ulcéré qu’une princesse britannique épouse un musulman – et pire : lui donne un enfant ! –, « l’establishment », allié à la Famille royale, au Pape, aux services de renseignements britanniques, américains, français voire israéliens, ainsi qu’au SAMU [28], aurait tout bonnement organisé l’accident.
Il est vrai que la liaison entre Lady Diana et un « play-boy égyptien », qui plus est fils de Mohamed Al-Fayed (ce dernier jouissant d’une réputation de prédateur sexuel), avait suscité quelques remous, non exempts de racisme, chez les esprits bien nés et quelques cercles médiatiques [29]. Mais ces crispations ne valent pas un mobile. Et souvenons-nous que la romance entre Diana Spencer et un autre musulman, Hasnat Khan, de 1995 à 1997, n’avait donné lieu à aucune tentative d’assassinat !
Toujours est-il qu’en août 1997, Diana Spencer n’avait en tête, ni projet de mariage, ni grossesse : on l’a vu, elle venait à peine de rencontrer Dodi Al-Fayed, avec qui elle n’a passé que quelques semaines au cours de l’été ; une autopsie réalisée par les Britanniques le 31 août 1997 a révélé qu’elle n’était pas enceinte [30] ; Rosa Monckton, une amie avec qui Diana Spencer avait passé quelques jours en Grèce du 15 au 20 août 1997, a également témoigné que la Princesse, qui sortait de sa relation avec Hasnat Khan (mais peinait à l’oublier), avait déclaré avoir « besoin du mariage comme d’une éruption cutanée sur mon visage » ; Monckton a même cru devoir préciser que Diana avait eu ses règles [31]…
La désinformation menée tambour battant par Mohamed Al-Fayed se déploie dans la presse et à la télévision, notamment en 1998 dans un documentaire complotiste de la chaîne ITV. Elle fait appel à des « témoins » douteux, à commencer par Robert Tomlinson, ex-agent du MI-6 (service d’espionnage extérieur britannique), lequel, sans autre ressource que son imagination, supposera publiquement que ses anciens employeurs auraient surveillé Diana Spencer et l’auraient exécutée – avant de faire piteusement machine arrière quand il lui sera sollicité de plus amples éclaircissements [32].
Autre « témoin » : François Levistre (ou Levi), qui, seul [33], affirme avoir aperçu un flash lumineux qui aurait aveuglé les passagers de la Mercedes. Hélas, non seulement l’intéressé s’est contredit à diverses reprises, mais encore a-t-il été démenti par sa propre épouse ; du reste, il possède un casier judiciaire rempli, et a tenté de vendre son bébé à un couple d’Allemands pour une somme de 50 000 Francs [34]… Or, c’est sur le fondement de ses seules déclarations que s’amplifiera la théorie selon laquelle des conjurés auraient prétendument aveuglé Henri Paul avec un dispositif laser.
Le clan Fayed cherche surtout à susciter un écran de fumée, aux dépens de la cohérence : tantôt on rend hommage aux gardes du corps, à commencer par Trevor Rees-Jones, tantôt on les accable, quand ils révèlent les décisions imprudentes de Mohamed et Dody Al-Fayed au cours de cette nuit fatidique [35] ; s’agissant d’Henri Paul, tantôt on prétend que les expertises sont truquées, tantôt, en désespoir de cause, on affirme tout aussi péremptoirement qu’il a été « empoisonné » [36]… Il est vrai que le juge Stéphan a assisté personnellement au prélèvement d’échantillons sur le corps d’Henri Paul, le 4 septembre 1997, ce qui discrédite toute accusation de manipulation [37].
Et la Mercedes ? A-t-elle été sabotée ? Voire téléguidée ? Les enquêtes françaises et britanniques n’ont pas mis en lumière de dysfonctionnement technique [38]. Le journaliste Jean-Michel Caradec’h a toutefois révélé que le véhicule était, en réalité, une épave : volé à son premier propriétaire, puis retrouvé gravement accidenté, réparé, lifté, pourvu d’une nouvelle immatriculation, il avait été cédé à une entreprise de location sous contrat avec l’Hôtel Ritz. Avant l’accident, les chauffeurs habituels de cette Mercedes – ignorant son passé – auraient critiqué certains problèmes (tenue de route, direction, amortisseurs), l’un d’eux soulignant qu’« à grande vitesse elle devenait imprévisible » [39]. Cependant, un expert britannique n’a pas relevé de défaut particulier sur l’engin, notamment s’agissant des freins [40].
En toute hypothèse, les circonstances du drame excluent catégoriquement l’hypothèse d’un complot, même sophistiqué : au vu des décisions successives de Dodi Al-Fayed dans la nuit du 30 au 31 août 1997, où trouver le temps d’organiser un attentat aussi complexe ? Et à quel endroit ? Ce sans tomber dans l’objectif des paparazzi ?
Débouté par la Justice britannique en 2008, Mohamed Al-Fayed reconnaît enfin qu’il « est temps d’accepter le verdict », non sans réserves : « Ça suffit... pour le bien des deux princes, qui, je le sais, aimaient leur mère. » Rare exemple d’un complotiste – et même d’un gourou complotiste – cédant face à la vérité !
Malheureusement, sa campagne, longue de dix ans, laisse derrière elle un immense champ de mines [41]. Les sondages réalisés sont accablants : une étude de l’IFOP conduite en décembre 2018 pour Conspiracy Watch et la Fondation Jean-Jaurès révèle que 34 % des Français interrogés accréditent l’énoncé selon lequel l’accident de Diana Spencer était un « assassinat maquillé » ; en Grande-Bretagne, la théorie du complot a longtemps séduit une majorité de sondés, et quoiqu’il semble que l’Opération Paget ait porté ses fruits, le nombre d’adeptes de la version complotiste demeure substantiel (en 2013, 38 % des Britanniques contestaient encore la réalité de l’accident ; en 2019, 17 % admettaient croire à une conspiration).
Sur ce terreau fleurissent les spéculations les plus insensées : Diana et Dodi ne seraient pas morts, mais bien cachés ; ou alors, d’après l’un des plus influents complotistes britanniques, David Icke, Lady Diana aurait été offerte en sacrifice aux reptiliens (la Mercedes, après tout, a croisé de nombreux monuments maçonniques, satanistes et païens sur son parcours jusqu’au Pont de l’Alma !) ; le site de désinformation notoire YourNewsWire.com raconte même qu’un certain John Hopkins aurait avoué avoir assassiné la Princesse sur l’ordre du MI-5 (service de contre-espionnage britannique), un contenu relayé par un abonné dans le Club de Mediapart, mais qui s’avère, comme toujours, sans fondement (un tel agent n’ayant jamais existé).
Dernièrement, une théorie plus sophistiquée a été portée par Francis Gillery, réalisateur de documentaires controversés pour leur parti pris complotiste, notamment sur le suicide de Pierre Bérégovoy ou les attentats du 13 novembre 2015. Ici, le documentariste suggère que Diana Spencer n’aurait été qu’une victime collatérale d’un attentat visant Dodi Al-Fayed. Mais que ce soit dans son documentaire diffusé sur France 3, dans son livre [42] ou interrogé par Thierry Meyssan pour le site Réseau Voltaire, il se borne à contester la réalité de l’accident sans produire de commencement de preuves à l’appui de ses propres allégations.
Ironie de l’Histoire, ce complotisme forcené trouve sa source dans une conspiration du silence orchestrée par Mohamed Al-Fayed lui-même. En multipliant les mensonges, les insinuations et les « hypothèses » sans fondement, l’homme d’affaires a largement contribué à l’implantation et à la pérennité du pseudo-« Dianagate » dans les esprits.
Il y a plus triste encore. En luttant contre l’étiquette de Buckingham Palace, en menant ses campagnes humanitaires, en se défaisant d’un mariage malheureux, Lady Diana avait tenté – constamment – de reprendre le contrôle de sa vie. Pour finalement livrer son destin à « un conducteur qui n'était même pas capable de contrôler sa voiture », déplorera Salman Rushdie [43]. Sa mort ne lui appartiendra pas davantage : un quart de siècle plus tard, Diana Spencer reste ravalée au rang d’objet – celui d’un complotisme qui, lui aussi, sait être « people ».
Notes :
[1] Ingrid Seward, The Queen and Di, New York, HarperCollins, 2001, p. 14.
[2] Sur ce point, lire Jane Caputi, « The Second Coming of Diana », NWSA Journal, vol. 11, n°2 : Woman Created, Woman Tranfigured, Woman Consumed (Summer, 1999), p. 103-123.
[3] Cette citation souvent extraite de son contexte doit être restituée intégralement pour en ôter toute signification « complotiste » : « Je me sens proche des gens, quels qu'ils soient. On est d'emblée au même niveau, sur la même longueur d'onde. C'est pour ça que je dérange certains cercles. Parce que je suis beaucoup plus proche des gens d'en bas que des gens d'en haut, et que ces derniers ne me le pardonnent pas. Parce que j'ai une vraie relation de proximité avec les plus humbles. Mon père m'a toujours appris à traiter quiconque comme un égal. Je l'ai toujours fait et je suis sûre que Harry et William en ont pris de la graine. » Certes, en 1995, Diana Spencer semble avoir effectivement redouté un sabotage des freins de sa voiture. Elle aurait également laissé une note en ce sens à son majordome, Paul Burrell, lequel prétend dans ses Mémoires que cette note daterait d’octobre 1996 (Paul Burrell, Confidences royales. Les révélations fracassantes du majordome de Lady Diana, Paris, Michel Lafon, 2003, p. 330 – trad. de l’anglais) : toutefois, sans avoir à trancher sur l’authenticité de cette pièce, la seule lecture de celle-ci révèle qu’elle a été rédigée en pleine procédure de divorce avec le Prince Charles, et qu’elle daterait plutôt du mois d’octobre 1995. Paul Burrell, du reste, a admis cette dernière datation (Operation Paget, op. cit., p. 137) et s’est, à plusieurs reprises, inscrit en faux contre les théories du complot entourant l’accident du 31 août 1997. En toute hypothèse, comme l’a conclu l’Opération Paget, les craintes que Diana Spencer a pu nourrir n’avaient aucun fondement (Operation Paget, op. cit., p. 134-140).
[4] L’instruction française est résumée Jean-Michel Caradec’h, Lady Diana. L’enquête criminelle, Paris, Michel Lafon, 2006 qui reproduit de nombreuses pièces du dossier, lequel serait épais de 6 800 pages.
[5] Marthyn Gregory, Diana. The Last Days, Londres, Virgin Books, 2010 (1ère éd. : 1999). Un modèle du genre.
[6] Jean-Michel Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., et Qui a tué Lady Di ?, Paris, Grasset, 2017.
[7] Sur Mohamed Al-Fayed, voir Tom Bower, Fayed. The unauthorized biography, Londres, Macmillan, 1998 et 2001. Voir le chapitre 17 pour revenir sur ses desseins envers Diana Spencer. La biographie reste tout de même à charge, précisant perfidement que le milliardaire est né « Fayed » mais a tenu à ajouter le « Al » à son patronyme, pour lui conférer une origine aristocratique…
[8] Salman Rushdie, « Crash », The New Yorker, 15 septembre 1997, p. 69.
[9] Revenue en Angleterre avec Dodi Al-Fayed le 6 août 1997, Diana Spencer repart – sans lui – pour la Bosnie du 8 au 10 août, avant de passer cinq jours en Grèce avec son amie Rosa Monckton, du 15 au 20. Le 22, elle retourne sur le Jonikal, qui mouille à Nice, avec Dodi, passant une semaine avec lui.
[10] Cet hôtel particulier du 16e arrondissement de Paris avait servi de résidence au Duc et à la Duchesse de Windsor, l’ex-Edouard VIII et son épouse Wallis Simpson, avant d’être louée par la Ville de Paris à Mohamed Al-Fayed en 1986. Mohamed Al-Fayed prétendra, entre autres allégations complotistes, que Diana et Dodi auraient projeté d’y résider, alors que le couple n’y aura passé que 28 minutes, ce qui est bien peu pour prendre une telle décision (Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 8)…
[11] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 3. Operation Paget, op. cit., p. 230-240. En français, voir l’audition de Trevor Rees-Jones dans Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 325-327.
[12] Le 1er septembre 1997, en effet, les expertises scientifiques établiront que le responsable de la sécurité du Ritz possédait un taux d’alcoolémie de 1,74 ou 1,87 grammes par litre de sang (quand la limite légale pour la conduite est de 0,5 g/l). Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 155-156.
[13] Comme le prouveront les expertises scientifiques, Henri Paul consommait alors, en sus de l’alcool, deux neuroleptiques, le Prozac et la tiapride, qui n’ont pas manqué d’aggraver l’altération de sa vigilance. Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 256-258.
[14] Pratiquement toutes les connaissances d’Henri Paul indiqueront aux enquêteurs « qu’il ne se serait pas alcoolisé, sachant qu’il était susceptible de conduire une voiture » (Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 269 et 230-231).
[15] Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 231.
[16] Caradec’h, Qui a tué Lady Di ?, op. cit., p. 90.
[17] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 4.
[18] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 4. Operation Paget, op. cit., p. 426.
[19] Operation Paget, op. cit., p. 421.
[20] Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 65-69.
[21] Un individu, Le Van Thanh, a été fortement suspecté d’être ce conducteur, mais il possédait un alibi difficile à contester, outre qu’une expertise de son véhicule prouvera qu’il n’était pas celui touché par la Mercedes (Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 314, ainsi que Qui a tué Lady Di ?, p. 198-202). Un autre conducteur de Fiat Uno, James Andanson, a été incriminé par les complotistes, d’autant qu’il a été retrouvé mort le 4 mai 2000 – l’enquête conclura à un suicide. Mais lui aussi possédait un alibi, et sa voiture a également été mise hors de cause par une expertise (Diana. The Last Days, op. cit., chap. 10 et 15 ; Operation Paget, op. cit., p. 695-730).
[22] Operation Paget, op. cit., p. 408.
[23] Sur l’apparition et l’emballement des théories du complot, voir Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 7.
[24] En France, Mohamed Al-Fayed, représenté par une célébrité du Barreau, Me Georges Kiejman, se constitue immédiatement partie civile pour mieux s’attaquer aux paparazzi, à qui il tente d’imputer la responsabilité exclusive du drame (Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 207-208).
[25] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 8.
[26] Pareille affirmation repose, pour l’essentiel, sur les déclarations du bijoutier Alberto Repossi, lequel s’est contredit à plusieurs reprises (ibid., ainsi que Gregory, Diana. The Last Days, op. cit, chap. 8). Voir aussi Operation Paget, op. cit., notamment p. 88-90.
[27] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 11.
[28] Selon des allégations de la « machine Fayed », Diana Spencer aurait été tuée par l’équipe du SAMU (ou une fausse équipe du SAMU), alors que sa prise en charge a obéi aux règles de l’art. Operation Paget, op. cit., p. 510-527.
[29] Voir Emily Lomax, « Diana Al-Fayed: Ethnic Marketing and the End(s) of Racism », in Jeffrey Richards, Scott Wilson & Linda Woodhead (dir.), Diana, The Making of a Media Saint, Londres, Tauris, 1999, p. 74-97.
[30] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 15. Operation Paget, op. cit. p. 15-93.
[31] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 15.
[32] Operation Paget, op. cit., p. 743 et s.
[33] Un autre témoin, Brian Anderson, installé dans un taxi dépassé par la Mercedes, prétendra avoir vu un éclair lumineux mais son témoignage est trop imprécis pour situer et dater l’épisode (Operation Paget, op. cit., p. 452-453).
[34] Operation Paget, op. cit., p. 454-456 et 464-465. Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 9. Un journaliste du Times, Adam Sage, a été le premier à interviewer Levi/Levistre le 31 août 1997 : « Son récit était intrigant, mais après l'avoir interrogé pendant quelques minutes, j'ai considéré qu'il n'était pas fiable et qu'il avait probablement concocté une fable. »
[35] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 12.
[36] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 9.
[37] Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 233-234, 255-259. Ces nouveaux prélèvements faisaient suite à ceux effectués le 31 août. Une autre allégation complotiste consiste à prétendre que le sang attribué à Henri Paul et ayant servi aux expertises scientifiques contenait une dose extrêmement lourde de monoxyde de carbone, susceptible de rendre le chauffeur totalement incapable de conduire, voire de se déplacer – si bien que ce sang ne serait pas le sien. L’origine d’un tel taux a donné lieu à une querelle d’experts, lesquels s’accordent toutefois à n’y voir aucun indice de manipulation : il s’agirait du gaz échappé de l’airbag lors de l’accident, selon le Dr. Pépin et le Pr. Lecomte ; ou alors, et plus probablement, le taux, certes élevé, découlerait du fait qu’Henri Paul était fumeur (et avait effectivement fumé cette nuit-là) – Operation Paget, op. cit., notamment p. 361. Voir, de même, Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 9.
[38] Operation Paget, op. cit., p. 426.
[39] Caradec’h, Qui a tué Lady Di ?, op. cit., p. 213-227,
[40] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 15.
[41] Notamment, le père d’Henri Paul reprend à son compte les allégations complotistes propagées par Mohamed Al-Fayed pour prétendre que son fils n’était pas ivre lorsqu’il était au volant de la Mercedes.
[42] Paris, Fayard, 2006.
[43] Rushdie, « Crash », The New Yorker, op. cit., p. 69.
Pour les Français, le dimanche 31 août 1997 n’aurait dû être qu’un dimanche, le dernier des « grandes vacances », en attendant la rentrée scolaire. Mais voici qu’à leur réveil ils apprennent – et le monde avec eux – la terrible nouvelle : Lady Diana, princesse de Galles – « Lady Di », dont la vie, images à l’appui, s’étalait dans les colonnes des tabloïds –, est morte dans la nuit, victime d’un accident de voiture à Paris, dans le tunnel du pont de l’Alma.
On compte également parmi les victimes son amant du moment, Emad Al-Fayed (surnommé « Dodi »), fils de l’homme d’affaires égyptien Mohamed Al-Fayed, ainsi que le chauffeur du véhicule qui les transportait, Henri Paul, chef de la sécurité de l’Hôtel Ritz. Seul le garde du corps du couple, Trevor Rees-Jones, survivra à ses blessures.
L’onde de choc est à la hauteur du mythe dont était entouré le personnage : alors âgée de trente-six ans, et sortant à peine de son divorce avec le Prince Charles, Diana Spencer avait su allier son charme à un admirable dévouement humanitaire, devenant aux yeux du public une « princesse des cœurs ». Tristesse, incompréhension et incrédulité bouleversent l’opinion en sentiments mêlés. On prête même à la Reine Elizabeth II ce premier commentaire : « Quelqu’un a dû graisser ses freins ! » [1]
De fait, la splendeur poignante des funérailles, la « vague collective d'émotion nationale » qui submerge le Royaume-Uni, bref la transformation d’une figure « people » en icône tragique [2], ne dissipent pas, bien au contraire, les premières rumeurs. Diana Spencer elle-même, peu avant de mourir, avait déclaré au Monde : « … je dérange certains cercles. Parce que je suis beaucoup plus proche des gens d'en bas que des gens d'en haut, et que ces derniers ne me le pardonnent pas. » [3] Au point de l’assassiner ?
Décourageons d’emblée les amateurs de sensationnel : deux enquêtes judiciaires, l’une française, conduite de 1997 à 1999 par le juge d’instruction Hervé Stéphan avec l’aide de la Brigade criminelle de Paris [4], l’autre britannique, menée de 2004 à 2008, avec l’appui de Scotland Yard, vont minutieusement établir, à partir de plusieurs expertises scientifiques et de centaines de témoignages, que Lady Diana a effectivement été victime d’un accident.
Scotland Yard consacrera même un rapport de 832 pages à la réfutation, ligne par ligne, des théories complotistes – ce que l’on appellera l’Opération Paget. Des journalistes d’investigation, tels le Britannique Martyn Gregory [5] et le Français Jean-Michel Caradec’h [6], disqualifieront également la « piste criminelle » au terme de recherches quasi-exhaustives. Ces conclusions, officielles aussi bien que privées, mettent de surcroît en lumière la responsabilité – certes indirecte – du clan Al-Fayed dans l’accident.
Revenons d’abord au contexte – c’est-à-dire à l’été 1997. Diana Spencer est, enfin, une femme libre. Divorcée du Prince Charles l’année précédente, elle a conservé – de manière honorifique – son titre de Princesse de Galles. Elle sort également d’une liaison amoureuse passionnée avec un chirurgien britannique d’origine pakistanaise, Hasnat Khan. Cherchant un lieu de villégiature pour elle et ses deux fils, à l’abri de la presse à scandales, elle accepte la proposition d’un milliardaire égyptien, Mohamed Al-Fayed, de passer quelques jours à bord de son yacht Jonikal – acheté vingt millions de dollars pour l’occasion !
Pour cet homme d’affaires parti de rien, devenu propriétaire d’un vaste empire incluant le magasin de luxe Harrods, à Londres, et l’Hôtel Ritz, à Paris, c’est l’occasion d’accéder au club très fermé de l’establishment anglais, qui lui refuse, avec mépris, l’octroi de la nationalité britannique… A sa demande, son fils Emad, surnommé « Dodi », producteur de cinéma dilettante et jet-setteur accompli, les rejoint le 14 juillet. Lui et Diana ne tardent pas à entamer une liaison, révélée au grand public par le tabloïd Sunday Mirror le 10 août 1997 [7]. Ce qui « a peut-être été ressenti par le père de Dodi comme un moment de doux triomphe sur cet establishment, écrira Salman Rushdie. Diana vivante était le trophée ultime. » [8]
Diana Spencer voyage beaucoup au mois d’août, et ne passe que quelques jours avec son nouvel amant [9]. Le 30 août, le couple atterrit à Paris et, suivi par les paparazzi, s’attarde une demi-heure à la Villa Windsor [10], avant de rejoindre l’Hôtel Ritz vers 16 heures 30. Dodi Al-Fayed en profite pour faire acheter une bague à Diana Spencer à la bijouterie Repossi, Place Vendôme. Vers 19 heures, le couple quitte l’hôtel pour se rendre à l’appartement de Dodi Al-Fayed, les paparazzi sur leurs talons. A 21 heures 30, Dodi Al-Fayed et Diana Spencer sortent de l’appartement pour dîner au restaurant « Chez Benoît » mais, en cours de route, Dodi Al-Fayed donne l’ordre à son chauffeur de retourner au Ritz, où ils arrivent à 21 heures 50. Ils se sustentent finalement dans la Suite Impériale de l’établissement.
Ce retour inopiné surprend le personnel du Ritz, d’autant que le couple amène dans son sillage un flot de photographes de presse, ce qui génère des tensions. Or, pareille impréparation est lourde de conséquences.
Tout d’abord, en effet, le chef de la sécurité de l’hôtel, Henri Paul, qui avait fini sa journée, doit revenir sur place à 22 heures, ce qu’il n’avait nullement prévu. Ensuite, sans doute agacé par l’agitation des paparazzi, à laquelle, tout noceur qu’il soit, il n’est nullement acclimaté, Dodi Al-Fayed concocte un plan pour les leurrer : au mépris des règles de sécurité, il laisse devant l’hôtel son véhicule personnel – conduit par son chauffeur attitré – ainsi que la voiture réservée aux gardes du corps, aux fins d’attirer les regards ; au même moment, à l’arrière du palace, lui et Diana embarquent dans un autre véhicule, une limousine Mercedes-Benz S280, avec un seul garde du corps, Trevor Rees-Jones ; en l’absence de chauffeur professionnel disponible, Henri Paul fait office de conducteur. Les gardes du corps de Dodi Al-Fayed désapprouvent ce projet, mais Mohamed Al-Fayed le valide en personne, lors d’un rapide échange téléphonique avec son fils [11].
Las ! Ce qu’ignorent ou négligent Mohamed et Dodi Al-Fayed, c’est que, ce soir-là, Henri Paul est ivre [12], et même sous antidépresseurs [13]. L’intéressé soignait certes des problèmes d’alcool et de dépression, lesquels apparaissaient, finalement, sous contrôle ; mais il a bu, ce 30 août, car il ne s’attendait pas à reprendre du service dans la soirée, encore moins à véhiculer Dodi Al-Fayed et Lady Diana [14]. En outre, Henri Paul, certes titulaire du permis de conduire, et semble-t-il prudent au volant, n’est pas habilité à conduire la limousine, qu’il n’a d’ailleurs jamais pilotée. Henri Paul, pour sa part, n’ose pas désobéir au fils du propriétaire du Ritz, « par respect de la hiérarchie » supposera son ex-compagne [15].
Dodi Al-Fayed et Diana Spencer quittent donc le Ritz, conduits par un chauffeur en état d’ivresse, le 31 août 1997 à minuit vingt. Mais la diversion est éventée, et des photographes de presse, en moto comme en voiture, s’emploient à suivre la Mercedes. Le public s’imagine volontiers la limousine coursée par des paparazzi « comme des apaches attaquant une diligence » [16], mais il n’en est rien : Henri Paul, pied au plancher, les distance facilement. Vers quelle destination ? On ne le saura jamais avec certitude, car Dodi Al-Fayed impose à Henri Paul des changements de parcours.
Quelques minutes plus tard, la Mercedes, laissant loin derrière les photographes, s’engage à toute allure dans le tunnel du Pont de l’Alma, roulant à 118, voire 155 kilomètres à l’heure [17] ! Cherchant à contourner par la gauche une Fiat Uno blanche, qui roule à 50 km/h, Henri Paul accroche le pare-chocs arrière de cette automobile, puis perd le contrôle de son véhicule, qui percute à 105 km/h le treizième pilier du tunnel [18].
C’est un carnage, aggravé par la circonstance qu’aucun des passagers n’a pris le soin d’attacher sa ceinture de sécurité [19] : Henri Paul et Dodi Al-Fayed sont tués, Trevor Rees-Jones est grièvement blessé ; Diana Spencer, soignée par un médecin arrivé sur place par hasard, le Dr Frédéric Mailliez [20], est prise en charge par le SAMU, mais son état ne laisse aucune place à l’espoir : elle est déclarée morte à 4 heures du matin, au bloc opératoire de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Des décisions erratiques, presque désinvoltes, prises par un Dodi Al-Fayed exaspéré par la presse à scandales, et approuvées par son père ; un chauffeur dont ce n’était pas le métier, sous l’emprise de l’alcool et d’antidépresseurs ; une conduite effectivement irresponsable, battant des records de vitesse en agglomération ; ajoutons l’absence de port de la ceinture de sécurité : la mort accidentelle de Lady Diana doit tout à cet enchaînement fatal. Or, ces faits, il faut du temps à l’instruction française pour les établir, sachant, du reste, qu’elle est soumise au secret : de quoi offrir un vaste espace aux théories complotistes, qui courent toujours plus vite que la vérité.
Comme toujours, celles-ci se fondent sur des faits établis pour en tirer des conclusions ineptes. Ainsi, il est exact que le conducteur de la fameuse Fiat Uno n’a jamais été retrouvé, et que le système de vidéo-surveillance parisien n’a pu être exploité. Mais il est probable que ledit chauffeur ne s’est pas identifié parce qu’il goûtait mal la perspective d’être traqué par la presse à scandales [21]. Quant aux caméras de vidéo-surveillance, elles ne filmaient que l’entrée des bâtiments, tandis que les caméras du trafic routier dans le secteur du Pont de l’Alma relevaient de la Compagnie de Circulation Urbaine de Paris, qui fermait ses portes à 23 heures et ne procédait à aucun enregistrement [22].
Qu’importe ! Deux heures après l’accident, et alors que Diana Spencer est encore en vie, le « Conspiracy Theory Discussion Board » dénonce d’emblée une conspiration [23] ; dans les jours qui suivent, l'EIR, la publication éditée par l’officine du publiciste d’extrême droite américain Lyndon LaRouche « s’interroge » sur les circonstances du drame.
Parallèlement, le monde arabe bruisse d’une rumeur extravagante : Diana Spencer allait se convertir à l’Islam, ce qui aurait conduit « l’establishment » occidental à décréter sa mort. Le colonel Kadhafi élève lui-même le débat en dénonçant, le 8 septembre 1997, un « crime raciste » perpétré par les services de renseignements britanniques et français ! De son côté, la propagande irakienne de Saddam Hussein insinue plus modestement que les espions britanniques ont éliminé Diana à cause de son rôle politique grandissant...
Ces divagations ne sont rien toutefois, comparées à la campagne de désinformation massive que déclenche Mohamed Al-Fayed. Ses motivations interrogent : a-t-il agi par colère contre « l’establishment », qu’il jugeait, irrationnellement, responsable de la mort de son fils ? Ou bien s’est-il efforcé de faire oublier ses responsabilités – et celles de Dodi – dans l’accident, sachant qu’Henri Paul était leur salarié ?
Le fait est qu’avec l’aide de son chef de la sécurité, John Macnamara, Mohamed Al-Fayed mobilise ses relais médiatiques pour diffuser de fausses informations sur l’accident. Or Macnamara admettra, onze ans plus tard, que ces rumeurs ne reposaient sur rien, voire étaient totalement mensongères...
Mohamed Al-Fayed s’attaque d’abord à une cible facile : les paparazzi [24]. Mais ceux-ci, trop éloignés de la Mercedes lors de l’accident, seront mis hors de cause. Simple mécompte pour Al-Fayed, lequel n’a pas tardé à vitupérer un complot aux larges ramifications.
Le 3 septembre 1997, l’oncle par alliance de Mohamed Al-Fayed inaugure la rumeur selon laquelle Diana allait épouser Dodi Al-Fayed [25] (la bague achetée le 30 août 1997 aurait marqué leurs fiançailles [26]). Deux jours plus tard, le porte-parole du milliardaire prétend qu’Henri Paul n’était ni ivre, ni drogué, ce qui conduira Fayed et ses affiliés à prétendre ensuite que les tests sanguins effectués sur le cadavre d’Henri Paul seraient truqués, que le sang analysé ne serait pas le sien… L’année suivante, Mohamed Al-Fayed lui-même assène que Diana était enceinte de Dodi [27].
Et d’embrayer sur le mobile du « crime » : ulcéré qu’une princesse britannique épouse un musulman – et pire : lui donne un enfant ! –, « l’establishment », allié à la Famille royale, au Pape, aux services de renseignements britanniques, américains, français voire israéliens, ainsi qu’au SAMU [28], aurait tout bonnement organisé l’accident.
Il est vrai que la liaison entre Lady Diana et un « play-boy égyptien », qui plus est fils de Mohamed Al-Fayed (ce dernier jouissant d’une réputation de prédateur sexuel), avait suscité quelques remous, non exempts de racisme, chez les esprits bien nés et quelques cercles médiatiques [29]. Mais ces crispations ne valent pas un mobile. Et souvenons-nous que la romance entre Diana Spencer et un autre musulman, Hasnat Khan, de 1995 à 1997, n’avait donné lieu à aucune tentative d’assassinat !
Toujours est-il qu’en août 1997, Diana Spencer n’avait en tête, ni projet de mariage, ni grossesse : on l’a vu, elle venait à peine de rencontrer Dodi Al-Fayed, avec qui elle n’a passé que quelques semaines au cours de l’été ; une autopsie réalisée par les Britanniques le 31 août 1997 a révélé qu’elle n’était pas enceinte [30] ; Rosa Monckton, une amie avec qui Diana Spencer avait passé quelques jours en Grèce du 15 au 20 août 1997, a également témoigné que la Princesse, qui sortait de sa relation avec Hasnat Khan (mais peinait à l’oublier), avait déclaré avoir « besoin du mariage comme d’une éruption cutanée sur mon visage » ; Monckton a même cru devoir préciser que Diana avait eu ses règles [31]…
La désinformation menée tambour battant par Mohamed Al-Fayed se déploie dans la presse et à la télévision, notamment en 1998 dans un documentaire complotiste de la chaîne ITV. Elle fait appel à des « témoins » douteux, à commencer par Robert Tomlinson, ex-agent du MI-6 (service d’espionnage extérieur britannique), lequel, sans autre ressource que son imagination, supposera publiquement que ses anciens employeurs auraient surveillé Diana Spencer et l’auraient exécutée – avant de faire piteusement machine arrière quand il lui sera sollicité de plus amples éclaircissements [32].
Autre « témoin » : François Levistre (ou Levi), qui, seul [33], affirme avoir aperçu un flash lumineux qui aurait aveuglé les passagers de la Mercedes. Hélas, non seulement l’intéressé s’est contredit à diverses reprises, mais encore a-t-il été démenti par sa propre épouse ; du reste, il possède un casier judiciaire rempli, et a tenté de vendre son bébé à un couple d’Allemands pour une somme de 50 000 Francs [34]… Or, c’est sur le fondement de ses seules déclarations que s’amplifiera la théorie selon laquelle des conjurés auraient prétendument aveuglé Henri Paul avec un dispositif laser.
Le clan Fayed cherche surtout à susciter un écran de fumée, aux dépens de la cohérence : tantôt on rend hommage aux gardes du corps, à commencer par Trevor Rees-Jones, tantôt on les accable, quand ils révèlent les décisions imprudentes de Mohamed et Dody Al-Fayed au cours de cette nuit fatidique [35] ; s’agissant d’Henri Paul, tantôt on prétend que les expertises sont truquées, tantôt, en désespoir de cause, on affirme tout aussi péremptoirement qu’il a été « empoisonné » [36]… Il est vrai que le juge Stéphan a assisté personnellement au prélèvement d’échantillons sur le corps d’Henri Paul, le 4 septembre 1997, ce qui discrédite toute accusation de manipulation [37].
Et la Mercedes ? A-t-elle été sabotée ? Voire téléguidée ? Les enquêtes françaises et britanniques n’ont pas mis en lumière de dysfonctionnement technique [38]. Le journaliste Jean-Michel Caradec’h a toutefois révélé que le véhicule était, en réalité, une épave : volé à son premier propriétaire, puis retrouvé gravement accidenté, réparé, lifté, pourvu d’une nouvelle immatriculation, il avait été cédé à une entreprise de location sous contrat avec l’Hôtel Ritz. Avant l’accident, les chauffeurs habituels de cette Mercedes – ignorant son passé – auraient critiqué certains problèmes (tenue de route, direction, amortisseurs), l’un d’eux soulignant qu’« à grande vitesse elle devenait imprévisible » [39]. Cependant, un expert britannique n’a pas relevé de défaut particulier sur l’engin, notamment s’agissant des freins [40].
En toute hypothèse, les circonstances du drame excluent catégoriquement l’hypothèse d’un complot, même sophistiqué : au vu des décisions successives de Dodi Al-Fayed dans la nuit du 30 au 31 août 1997, où trouver le temps d’organiser un attentat aussi complexe ? Et à quel endroit ? Ce sans tomber dans l’objectif des paparazzi ?
Débouté par la Justice britannique en 2008, Mohamed Al-Fayed reconnaît enfin qu’il « est temps d’accepter le verdict », non sans réserves : « Ça suffit... pour le bien des deux princes, qui, je le sais, aimaient leur mère. » Rare exemple d’un complotiste – et même d’un gourou complotiste – cédant face à la vérité !
Malheureusement, sa campagne, longue de dix ans, laisse derrière elle un immense champ de mines [41]. Les sondages réalisés sont accablants : une étude de l’IFOP conduite en décembre 2018 pour Conspiracy Watch et la Fondation Jean-Jaurès révèle que 34 % des Français interrogés accréditent l’énoncé selon lequel l’accident de Diana Spencer était un « assassinat maquillé » ; en Grande-Bretagne, la théorie du complot a longtemps séduit une majorité de sondés, et quoiqu’il semble que l’Opération Paget ait porté ses fruits, le nombre d’adeptes de la version complotiste demeure substantiel (en 2013, 38 % des Britanniques contestaient encore la réalité de l’accident ; en 2019, 17 % admettaient croire à une conspiration).
Sur ce terreau fleurissent les spéculations les plus insensées : Diana et Dodi ne seraient pas morts, mais bien cachés ; ou alors, d’après l’un des plus influents complotistes britanniques, David Icke, Lady Diana aurait été offerte en sacrifice aux reptiliens (la Mercedes, après tout, a croisé de nombreux monuments maçonniques, satanistes et païens sur son parcours jusqu’au Pont de l’Alma !) ; le site de désinformation notoire YourNewsWire.com raconte même qu’un certain John Hopkins aurait avoué avoir assassiné la Princesse sur l’ordre du MI-5 (service de contre-espionnage britannique), un contenu relayé par un abonné dans le Club de Mediapart, mais qui s’avère, comme toujours, sans fondement (un tel agent n’ayant jamais existé).
Dernièrement, une théorie plus sophistiquée a été portée par Francis Gillery, réalisateur de documentaires controversés pour leur parti pris complotiste, notamment sur le suicide de Pierre Bérégovoy ou les attentats du 13 novembre 2015. Ici, le documentariste suggère que Diana Spencer n’aurait été qu’une victime collatérale d’un attentat visant Dodi Al-Fayed. Mais que ce soit dans son documentaire diffusé sur France 3, dans son livre [42] ou interrogé par Thierry Meyssan pour le site Réseau Voltaire, il se borne à contester la réalité de l’accident sans produire de commencement de preuves à l’appui de ses propres allégations.
Ironie de l’Histoire, ce complotisme forcené trouve sa source dans une conspiration du silence orchestrée par Mohamed Al-Fayed lui-même. En multipliant les mensonges, les insinuations et les « hypothèses » sans fondement, l’homme d’affaires a largement contribué à l’implantation et à la pérennité du pseudo-« Dianagate » dans les esprits.
Il y a plus triste encore. En luttant contre l’étiquette de Buckingham Palace, en menant ses campagnes humanitaires, en se défaisant d’un mariage malheureux, Lady Diana avait tenté – constamment – de reprendre le contrôle de sa vie. Pour finalement livrer son destin à « un conducteur qui n'était même pas capable de contrôler sa voiture », déplorera Salman Rushdie [43]. Sa mort ne lui appartiendra pas davantage : un quart de siècle plus tard, Diana Spencer reste ravalée au rang d’objet – celui d’un complotisme qui, lui aussi, sait être « people ».
Notes :
[1] Ingrid Seward, The Queen and Di, New York, HarperCollins, 2001, p. 14.
[2] Sur ce point, lire Jane Caputi, « The Second Coming of Diana », NWSA Journal, vol. 11, n°2 : Woman Created, Woman Tranfigured, Woman Consumed (Summer, 1999), p. 103-123.
[3] Cette citation souvent extraite de son contexte doit être restituée intégralement pour en ôter toute signification « complotiste » : « Je me sens proche des gens, quels qu'ils soient. On est d'emblée au même niveau, sur la même longueur d'onde. C'est pour ça que je dérange certains cercles. Parce que je suis beaucoup plus proche des gens d'en bas que des gens d'en haut, et que ces derniers ne me le pardonnent pas. Parce que j'ai une vraie relation de proximité avec les plus humbles. Mon père m'a toujours appris à traiter quiconque comme un égal. Je l'ai toujours fait et je suis sûre que Harry et William en ont pris de la graine. » Certes, en 1995, Diana Spencer semble avoir effectivement redouté un sabotage des freins de sa voiture. Elle aurait également laissé une note en ce sens à son majordome, Paul Burrell, lequel prétend dans ses Mémoires que cette note daterait d’octobre 1996 (Paul Burrell, Confidences royales. Les révélations fracassantes du majordome de Lady Diana, Paris, Michel Lafon, 2003, p. 330 – trad. de l’anglais) : toutefois, sans avoir à trancher sur l’authenticité de cette pièce, la seule lecture de celle-ci révèle qu’elle a été rédigée en pleine procédure de divorce avec le Prince Charles, et qu’elle daterait plutôt du mois d’octobre 1995. Paul Burrell, du reste, a admis cette dernière datation (Operation Paget, op. cit., p. 137) et s’est, à plusieurs reprises, inscrit en faux contre les théories du complot entourant l’accident du 31 août 1997. En toute hypothèse, comme l’a conclu l’Opération Paget, les craintes que Diana Spencer a pu nourrir n’avaient aucun fondement (Operation Paget, op. cit., p. 134-140).
[4] L’instruction française est résumée Jean-Michel Caradec’h, Lady Diana. L’enquête criminelle, Paris, Michel Lafon, 2006 qui reproduit de nombreuses pièces du dossier, lequel serait épais de 6 800 pages.
[5] Marthyn Gregory, Diana. The Last Days, Londres, Virgin Books, 2010 (1ère éd. : 1999). Un modèle du genre.
[6] Jean-Michel Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., et Qui a tué Lady Di ?, Paris, Grasset, 2017.
[7] Sur Mohamed Al-Fayed, voir Tom Bower, Fayed. The unauthorized biography, Londres, Macmillan, 1998 et 2001. Voir le chapitre 17 pour revenir sur ses desseins envers Diana Spencer. La biographie reste tout de même à charge, précisant perfidement que le milliardaire est né « Fayed » mais a tenu à ajouter le « Al » à son patronyme, pour lui conférer une origine aristocratique…
[8] Salman Rushdie, « Crash », The New Yorker, 15 septembre 1997, p. 69.
[9] Revenue en Angleterre avec Dodi Al-Fayed le 6 août 1997, Diana Spencer repart – sans lui – pour la Bosnie du 8 au 10 août, avant de passer cinq jours en Grèce avec son amie Rosa Monckton, du 15 au 20. Le 22, elle retourne sur le Jonikal, qui mouille à Nice, avec Dodi, passant une semaine avec lui.
[10] Cet hôtel particulier du 16e arrondissement de Paris avait servi de résidence au Duc et à la Duchesse de Windsor, l’ex-Edouard VIII et son épouse Wallis Simpson, avant d’être louée par la Ville de Paris à Mohamed Al-Fayed en 1986. Mohamed Al-Fayed prétendra, entre autres allégations complotistes, que Diana et Dodi auraient projeté d’y résider, alors que le couple n’y aura passé que 28 minutes, ce qui est bien peu pour prendre une telle décision (Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 8)…
[11] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 3. Operation Paget, op. cit., p. 230-240. En français, voir l’audition de Trevor Rees-Jones dans Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 325-327.
[12] Le 1er septembre 1997, en effet, les expertises scientifiques établiront que le responsable de la sécurité du Ritz possédait un taux d’alcoolémie de 1,74 ou 1,87 grammes par litre de sang (quand la limite légale pour la conduite est de 0,5 g/l). Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 155-156.
[13] Comme le prouveront les expertises scientifiques, Henri Paul consommait alors, en sus de l’alcool, deux neuroleptiques, le Prozac et la tiapride, qui n’ont pas manqué d’aggraver l’altération de sa vigilance. Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 256-258.
[14] Pratiquement toutes les connaissances d’Henri Paul indiqueront aux enquêteurs « qu’il ne se serait pas alcoolisé, sachant qu’il était susceptible de conduire une voiture » (Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 269 et 230-231).
[15] Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 231.
[16] Caradec’h, Qui a tué Lady Di ?, op. cit., p. 90.
[17] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 4.
[18] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 4. Operation Paget, op. cit., p. 426.
[19] Operation Paget, op. cit., p. 421.
[20] Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 65-69.
[21] Un individu, Le Van Thanh, a été fortement suspecté d’être ce conducteur, mais il possédait un alibi difficile à contester, outre qu’une expertise de son véhicule prouvera qu’il n’était pas celui touché par la Mercedes (Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 314, ainsi que Qui a tué Lady Di ?, p. 198-202). Un autre conducteur de Fiat Uno, James Andanson, a été incriminé par les complotistes, d’autant qu’il a été retrouvé mort le 4 mai 2000 – l’enquête conclura à un suicide. Mais lui aussi possédait un alibi, et sa voiture a également été mise hors de cause par une expertise (Diana. The Last Days, op. cit., chap. 10 et 15 ; Operation Paget, op. cit., p. 695-730).
[22] Operation Paget, op. cit., p. 408.
[23] Sur l’apparition et l’emballement des théories du complot, voir Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 7.
[24] En France, Mohamed Al-Fayed, représenté par une célébrité du Barreau, Me Georges Kiejman, se constitue immédiatement partie civile pour mieux s’attaquer aux paparazzi, à qui il tente d’imputer la responsabilité exclusive du drame (Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 207-208).
[25] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 8.
[26] Pareille affirmation repose, pour l’essentiel, sur les déclarations du bijoutier Alberto Repossi, lequel s’est contredit à plusieurs reprises (ibid., ainsi que Gregory, Diana. The Last Days, op. cit, chap. 8). Voir aussi Operation Paget, op. cit., notamment p. 88-90.
[27] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 11.
[28] Selon des allégations de la « machine Fayed », Diana Spencer aurait été tuée par l’équipe du SAMU (ou une fausse équipe du SAMU), alors que sa prise en charge a obéi aux règles de l’art. Operation Paget, op. cit., p. 510-527.
[29] Voir Emily Lomax, « Diana Al-Fayed: Ethnic Marketing and the End(s) of Racism », in Jeffrey Richards, Scott Wilson & Linda Woodhead (dir.), Diana, The Making of a Media Saint, Londres, Tauris, 1999, p. 74-97.
[30] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 15. Operation Paget, op. cit. p. 15-93.
[31] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 15.
[32] Operation Paget, op. cit., p. 743 et s.
[33] Un autre témoin, Brian Anderson, installé dans un taxi dépassé par la Mercedes, prétendra avoir vu un éclair lumineux mais son témoignage est trop imprécis pour situer et dater l’épisode (Operation Paget, op. cit., p. 452-453).
[34] Operation Paget, op. cit., p. 454-456 et 464-465. Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 9. Un journaliste du Times, Adam Sage, a été le premier à interviewer Levi/Levistre le 31 août 1997 : « Son récit était intrigant, mais après l'avoir interrogé pendant quelques minutes, j'ai considéré qu'il n'était pas fiable et qu'il avait probablement concocté une fable. »
[35] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 12.
[36] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 9.
[37] Caradec’h, L’enquête criminelle, op. cit., p. 233-234, 255-259. Ces nouveaux prélèvements faisaient suite à ceux effectués le 31 août. Une autre allégation complotiste consiste à prétendre que le sang attribué à Henri Paul et ayant servi aux expertises scientifiques contenait une dose extrêmement lourde de monoxyde de carbone, susceptible de rendre le chauffeur totalement incapable de conduire, voire de se déplacer – si bien que ce sang ne serait pas le sien. L’origine d’un tel taux a donné lieu à une querelle d’experts, lesquels s’accordent toutefois à n’y voir aucun indice de manipulation : il s’agirait du gaz échappé de l’airbag lors de l’accident, selon le Dr. Pépin et le Pr. Lecomte ; ou alors, et plus probablement, le taux, certes élevé, découlerait du fait qu’Henri Paul était fumeur (et avait effectivement fumé cette nuit-là) – Operation Paget, op. cit., notamment p. 361. Voir, de même, Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 9.
[38] Operation Paget, op. cit., p. 426.
[39] Caradec’h, Qui a tué Lady Di ?, op. cit., p. 213-227,
[40] Gregory, Diana. The Last Days, op. cit., chap. 15.
[41] Notamment, le père d’Henri Paul reprend à son compte les allégations complotistes propagées par Mohamed Al-Fayed pour prétendre que son fils n’était pas ivre lorsqu’il était au volant de la Mercedes.
[42] Paris, Fayard, 2006.
[43] Rushdie, « Crash », The New Yorker, op. cit., p. 69.
Depuis seize ans, Conspiracy Watch contribue à sensibiliser aux dangers du complotisme en assurant un travail d’information et de veille critique sans équivalent. Pour pérenniser nos activités, le soutien de nos lecteurs est indispensable.