Le mot « négationnisme » a été forgé par l'historien Henry Rousso dans Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours (Le Seuil, 1987) pour désigner la remise en cause de la réalité historique et de l'ampleur du génocide des Juifs par le régime hitlérien pendant la Seconde Guerre mondiale, connu sous les dénominations de « Shoah » ou, dans les pays anglophones, de « Holocauste ».
Selon la définition de travail qu'en propose l'International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA), « la négation de l’Holocauste peut consister notamment à nier ou à mettre en doute publiquement l’utilisation des principaux mécanismes de destruction (comme les chambres à gaz, les fusillades, la privation de nourriture et la torture) ou le caractère intentionnel du génocide du peuple juif [...]. Parmi les formes de négation, on compte le fait de reprocher aux Juifs d’exagérer l’ampleur de la Shoah ou de l’avoir inventée à des fins politiques ou financières, comme si elle était le résultat d’une conspiration fomentée par les Juifs ».
Parce qu’ils prétendent opérer une révision de l’histoire (avec une allusion à l'Affaire Dreyfus, les partisans du capitaine d'artillerie injustement condamné ayant milité pour la « révision » du procès), les porteurs de cette propagande antisémite se dénomment eux-mêmes « révisionnistes ». En total désaccord avec cette présentation, les historiens ont adopté le terme « négationnisme » pour qualifier une idéologie ayant pour but de réactualiser le mythe du « complot juif international » et de dédouaner le nazisme de ses crimes.
Depuis l’après-guerre, ce nouveau discours antisémite a évolué, trouvant des relais aussi bien en Europe (David Irving, Richard Williamson, Ernst Zündel, Thies Christophersen, Wilhelm Stäglich, Udo Walendy, Germar Rudolf, Gerd Honsik...) qu'en Amérique du Nord (Arthur Butz, Fred Leuchter, Mark Weber, Bradley Smith, Willis Carto...) ou au Moyen-Orient.
La France joue un rôle moteur dans l’apparition et la structuration du négationnisme. L’écrivain fasciste Maurice Bardèche l’inaugure dans son ouvrage Nuremberg ou la terre promise (1948). Le doute jeté sur le nombre de chambres à gaz dans certains camps exprimé par l’ancien déporté et homme de gauche Paul Rassinier dans Le Mensonge d’Ulysse (1950) se change rapidement en négation de l'histoire. À partir de la Guerre des Six jours (1967), l'idéologue d’extrême droite François Duprat ajoute une nouvelle dimension à l’antisémitisme traditionnel : celle du soutien au peuple palestinien. L'antagonisme israélo-arabe au Proche-Orient joue un rôle moteur dans l’internationalisation du discours négationniste. La séduction qu’il exerce dans les milieux se réclamant de l'« antisionisme » montre à quel point la question du rapport à Israël reste centrale dans sa thématique et son instrumentalisation.
Robert Faurisson inaugure un nouvel âge de l'histoire idéologique du négationnisme avec la publication, fin décembre 1978, d’un de ses textes dans Le Monde qui sort le négationnisme de la relative clandestinité où il était confiné jusqu'alors. Quelques mois plus tôt, dans un tract, ce maître de conférences en littérature du XXème siècle à l’université Lyon II écrivait que « le nombre des juifs "exterminés" par Hitler s’élève heureusement à… zéro »...
Faurisson s’emploie à soulever des contradictions sur différents documents et témoignages oraux afin d’« établir » l’impossibilité technique de l’extermination des Juifs. Si l’extrême droite française (dont le Front national de Jean-Marie Le Pen) intègre à mots plus ou moins couverts le négationnisme dans son patrimoine idéologique, une partie minoritaire de l’ultra-gauche, emmenée notamment par Pierre Guillaume et la Vieille Taupe, apporte son soutien à Robert Faurisson, arguant de la défense de la liberté d’expression et affichant un antisionisme sans faille.
La loi Gayssot, votée en juillet 1990, sanctionne la contestation de la réalité des crimes contre l'humanité commis par les nazis. Elle est vivement et régulièrement contestée par les négationnistes qui demandent son abrogation, comme en 2010, avec une pétition initiée par Paul-Eric Blanrue.
Depuis l’affaire Faurisson, cette propagande politique refait surface en France, périodiquement. De nouveaux idéologues prennent la suite de Faurisson : Roger Garaudy, puis Alain Soral ou encore Dieudonné M’bala M’bala.
Antisémitisme, antisionisme et conspirationnisme demeurent les pierres angulaires du négationnisme. Devenu un instrument de propagande politique utilisé par certains pays, comme l'Iran, le négationnisme s’exporte au-delà des frontières par le biais d’Internet et du fait du contexte international : Seconde Intifada, attentats du 11 septembre 2001, concours de caricatures sur l'Holocauste organisé en Iran sous Mahmoud Ahmadinejad. Plus que jamais, il dénonce le danger du « pouvoir judéo-sioniste », incarné en premier lieu par l’État d’Israël.
Pour aller plus loin :
(Dernière mise à jour le 02/09/2020)
Le mot « négationnisme » a été forgé par l'historien Henry Rousso dans Le Syndrome de Vichy de 1944 à nos jours (Le Seuil, 1987) pour désigner la remise en cause de la réalité historique et de l'ampleur du génocide des Juifs par le régime hitlérien pendant la Seconde Guerre mondiale, connu sous les dénominations de « Shoah » ou, dans les pays anglophones, de « Holocauste ».
Selon la définition de travail qu'en propose l'International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA), « la négation de l’Holocauste peut consister notamment à nier ou à mettre en doute publiquement l’utilisation des principaux mécanismes de destruction (comme les chambres à gaz, les fusillades, la privation de nourriture et la torture) ou le caractère intentionnel du génocide du peuple juif [...]. Parmi les formes de négation, on compte le fait de reprocher aux Juifs d’exagérer l’ampleur de la Shoah ou de l’avoir inventée à des fins politiques ou financières, comme si elle était le résultat d’une conspiration fomentée par les Juifs ».
Parce qu’ils prétendent opérer une révision de l’histoire (avec une allusion à l'Affaire Dreyfus, les partisans du capitaine d'artillerie injustement condamné ayant milité pour la « révision » du procès), les porteurs de cette propagande antisémite se dénomment eux-mêmes « révisionnistes ». En total désaccord avec cette présentation, les historiens ont adopté le terme « négationnisme » pour qualifier une idéologie ayant pour but de réactualiser le mythe du « complot juif international » et de dédouaner le nazisme de ses crimes.
Depuis l’après-guerre, ce nouveau discours antisémite a évolué, trouvant des relais aussi bien en Europe (David Irving, Richard Williamson, Ernst Zündel, Thies Christophersen, Wilhelm Stäglich, Udo Walendy, Germar Rudolf, Gerd Honsik...) qu'en Amérique du Nord (Arthur Butz, Fred Leuchter, Mark Weber, Bradley Smith, Willis Carto...) ou au Moyen-Orient.
La France joue un rôle moteur dans l’apparition et la structuration du négationnisme. L’écrivain fasciste Maurice Bardèche l’inaugure dans son ouvrage Nuremberg ou la terre promise (1948). Le doute jeté sur le nombre de chambres à gaz dans certains camps exprimé par l’ancien déporté et homme de gauche Paul Rassinier dans Le Mensonge d’Ulysse (1950) se change rapidement en négation de l'histoire. À partir de la Guerre des Six jours (1967), l'idéologue d’extrême droite François Duprat ajoute une nouvelle dimension à l’antisémitisme traditionnel : celle du soutien au peuple palestinien. L'antagonisme israélo-arabe au Proche-Orient joue un rôle moteur dans l’internationalisation du discours négationniste. La séduction qu’il exerce dans les milieux se réclamant de l'« antisionisme » montre à quel point la question du rapport à Israël reste centrale dans sa thématique et son instrumentalisation.
Robert Faurisson inaugure un nouvel âge de l'histoire idéologique du négationnisme avec la publication, fin décembre 1978, d’un de ses textes dans Le Monde qui sort le négationnisme de la relative clandestinité où il était confiné jusqu'alors. Quelques mois plus tôt, dans un tract, ce maître de conférences en littérature du XXème siècle à l’université Lyon II écrivait que « le nombre des juifs "exterminés" par Hitler s’élève heureusement à… zéro »...
Faurisson s’emploie à soulever des contradictions sur différents documents et témoignages oraux afin d’« établir » l’impossibilité technique de l’extermination des Juifs. Si l’extrême droite française (dont le Front national de Jean-Marie Le Pen) intègre à mots plus ou moins couverts le négationnisme dans son patrimoine idéologique, une partie minoritaire de l’ultra-gauche, emmenée notamment par Pierre Guillaume et la Vieille Taupe, apporte son soutien à Robert Faurisson, arguant de la défense de la liberté d’expression et affichant un antisionisme sans faille.
La loi Gayssot, votée en juillet 1990, sanctionne la contestation de la réalité des crimes contre l'humanité commis par les nazis. Elle est vivement et régulièrement contestée par les négationnistes qui demandent son abrogation, comme en 2010, avec une pétition initiée par Paul-Eric Blanrue.
Depuis l’affaire Faurisson, cette propagande politique refait surface en France, périodiquement. De nouveaux idéologues prennent la suite de Faurisson : Roger Garaudy, puis Alain Soral ou encore Dieudonné M’bala M’bala.
Antisémitisme, antisionisme et conspirationnisme demeurent les pierres angulaires du négationnisme. Devenu un instrument de propagande politique utilisé par certains pays, comme l'Iran, le négationnisme s’exporte au-delà des frontières par le biais d’Internet et du fait du contexte international : Seconde Intifada, attentats du 11 septembre 2001, concours de caricatures sur l'Holocauste organisé en Iran sous Mahmoud Ahmadinejad. Plus que jamais, il dénonce le danger du « pouvoir judéo-sioniste », incarné en premier lieu par l’État d’Israël.
Pour aller plus loin :
(Dernière mise à jour le 02/09/2020)
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