L'Express : Les attentats de janvier à Paris ont donné lieu à un grand nombre de ce que vous appelez des "récits complotistes". En quoi sont-ils différents de ceux qui les ont précédés ?
Pierre-André Taguieff : Il faut distinguer d'abord, parmi les complots imaginaires, les méga-complots (tel le 11-Septembre), dont la signification est planétaire, et les micro-complots, locaux ou nationaux, qui se réduisent souvent à des rumeurs de manipulation. Ensuite, parmi les récits complotistes, ceux qui sont élaborés par déduction, disons le complotisme classique, qui consiste à lire les événements à la lumière de croyances dogmatiques, par exemple la main invisible de Satan, des francs-maçons ou des "Sages de Sion" dans l'Histoire, et ceux qui le sont par induction, à partir d'une hypercritique des "récits officiels", démarche caractéristique de ce que j'appelle le néocomplotisme.
Depuis la mise en doute de la "version officielle" du 11-Septembre, le premier geste accompli par les nouveaux conspirationnistes est le relevé de "détails" supposés troublants ou d'incohérences supposées flagrantes, à partir desquels ils s'autorisent à prendre la pose d'un étonnement ostentatoire : "Qu'y a-t-il derrière ?", "Qui est derrière ?" et "A qui profite l'action terroriste ?" (...)
Depuis seize ans, Conspiracy Watch contribue à sensibiliser aux dangers du complotisme en assurant un travail d’information et de veille critique sans équivalent. Pour pérenniser nos activités, le soutien de nos lecteurs est indispensable.