Alors que Nicolas Maduro a été réélu à la présidence du Venezuela, le 28 juillet dernier, le camp opposé évoque une élection truquée. Son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a trouvé refuge le 8 septembre en Espagne. Cette élection fait ressurgir diverses théories du complot dont est friand le régime vénézuélien.
Répression des manifestations, arrestations des leaders de l'opposition, le président y voit un complot international pour le renverser... Avant lui, les théories du complot autour du "Comandante" avaient de nombreux partisans. Il affirme même l'opposition "financée" par une conspiration juive mondiale.
Dans ses prises de parole, Nicolás Maduro accuse le "sionisme international" de soutenir la contestation postélectorale. Sur ce complot juif mondial, "le thème du 'sionisme international' est mobilisé régulièrement par les chavistes depuis plus de 20 ans", note Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch.
Le président vénézuélien est un adepte des théories du complot, comme lors d'une autre prise de parole le 30 juillet 2024 pendant une réunion conjointe du Conseil d'État et du Conseil de Défense de la Nation, où il évoque la théorie conspirationniste autour de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. "Kennedy a été tué par la mafia criminelle de Miami et la CIA", assure Nicolás Maduro, mentionnant le film "JFK" d'Oliver Stone, un film de fiction qui reprend cette théorie. Pour Rudy Reichstadt, le président "fait un lien entre JFK et la tentative d'assassinat de Trump le 13 juillet dernier, lors d'un meeting en Pennsylvanie : sa vision du monde complotiste est plus forte que son aversion pour Trump", analyse Rudy Reichstadt.
Déjà avant lui, les propos du prédécesseur de Nicolás Maduro, l'ancien président Hugo Chávez, étaient teintés de références antisémites. "Hugo Chávez s'est illustré à plusieurs reprises par des discours suffisamment ambigus pour qu'une oreille antisémite y trouve son compte, estime Rudy Reichstadt. Par exemple, en décembre 2005, il dénonce les 'maîtres du monde' qui, dit-il, sont 'les descendants de ceux qui ont crucifié le Christ'. Il ajoute que 'cette minorité s'est emparée des richesses du monde'."
Des références antisémites mais aussi un anti-impérialisme et un anti américanisme de la part de celui que l'on surnomme "el Comandante". Tout comme son successeur, Hugo Chávez prenait pour cible les Etats-Unis et l'Etat d'Israël, comme lorsqu'en 2006, il accuse le président Georges W. Bush d'avoir lui-même planifié les attentats du 11-Septembre contre les tours jumelles à New York pour justifier la lutte contre le terrorisme.
Tristan Mendès France et Rudy Reichstadt reviennent aussi sur le cancer d'Hugo Chávez, qui a alimenté de nombreuses théories conspirationnistes. "Il faut rappeler qu'en décembre 2011, Hugo Chávez suggère que son cancer pourrait avoir été provoqué par une mystérieuse technologie américaine", rappelle Tristan Mendès France.
"Plus que perméable, le régime vénézuélien est 'vecteur' de théories du complot qui permettent de maintenir le pays dans une forme de paranoïa politique permanente", selon Rudy Reichstadt. Pour Tristan Mendès France, "l'instabilité politique actuelle est malheureusement propice à la propagation de théories complotistes, et il n'est vraiment pas improbable que le régime de Maduro ait de plus en plus recours à ce type de rhétorique conspirationniste dans les semaines ou mois qui viennent."
"De Chávez à Maduro, le complotisme au Venezuela", c'est le 72e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférences et membre de l'observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.