Les complotistes sont apparemment plus susceptibles, statistiquement, d'avoir le sentiment de ne pas avoir réussi leur vie.
Dans le cadre de la grande enquête d'opinion Conspiracy Watch - Fondation Jean-Jaurès publiée la semaine dernière, nous avons cherché à éprouver l'hypothèse d’une corrélation entre sentiment d’échec personnel et adhésion aux théories du complot, que les chercheurs en sciences politiques Joseph E. Uscinski et Joseph M. Parent ont également explorée dans leur livre, American Conspiracy Theories (Oxford University Press, 2014).
Pour ce faire, nous avons demandé aux sondés si, dans l’ensemble, ils diraient qu’ils ont réussi leur vie. 26% d’entre eux répondent par la négative à cette question (21% « non, plutôt pas » et 5% « non, pas du tout »).
Il apparaît que ceux qui pensent ne pas avoir réussi leur vie sont significativement surreprésentés (35% contre 26% en moyenne) chez les sondés qui déclarent être d’accord avec cinq théories du complot ou plus sur celles proposées dans une batterie centrale de dix énoncés complotistes concernant par exemple les vaccins, la mort de Lady Diana, les attentats du 11-Septembre, les « Illuminati » ou encore l'existence d'un « complot sioniste mondial ». Ils sont aussi surreprésentés chez les personnes qui se déclarent « Gilets jaunes » (36%).
Comment expliquer cette corrélation ? Les spécialistes s'accordent à considérer qu'à travers l'adhésion à des récits complotistes, les sujets cherchent à se rassurer, à donner un sens au malheur qui les frappe.
Dans Le Perdant radical (Gallimard, 2006 – ci-contre), l’essayiste allemand Hans Magnus Enzensberger brosse le portrait d’hommes travaillés par le sentiment exacerbé de leur propre déchéance. Le conspirationnisme serait un trait récurrent de la personnalité de ces perdants radicaux en ce qu’il leur permettrait de se présenter à eux-mêmes et au monde comme les victimes d’une machination ourdie par des forces obscures rendues responsables de leurs échecs :
« Ce qui occupe l'esprit du perdant de manière obsessionnelle, c'est la comparaison avec les autres, qui à tout instant se révèle à son désavantage. [...] La question de savoir pourquoi il en est ainsi contribue à ses tourments. Car ce ne peut en aucun cas être sa faute. C'est impensable. Voilà pourquoi il doit trouver des coupables qui sont responsables de son sort. [...] le perdant se contente la plupart du temps des supports qui dérivent librement dans la société. Les puissances menaçantes qui se sont liguées contre lui ne sont pas difficiles à identifier. En général, il s'agit d'étrangers, des services secrets, de communistes, d'Américains, de multinationales, d'hommes politiques, d'infidèles. Presque toujours ce sont aussi des Juifs. »
Voir aussi :
Les complotistes sont apparemment plus susceptibles, statistiquement, d'avoir le sentiment de ne pas avoir réussi leur vie.
Dans le cadre de la grande enquête d'opinion Conspiracy Watch - Fondation Jean-Jaurès publiée la semaine dernière, nous avons cherché à éprouver l'hypothèse d’une corrélation entre sentiment d’échec personnel et adhésion aux théories du complot, que les chercheurs en sciences politiques Joseph E. Uscinski et Joseph M. Parent ont également explorée dans leur livre, American Conspiracy Theories (Oxford University Press, 2014).
Pour ce faire, nous avons demandé aux sondés si, dans l’ensemble, ils diraient qu’ils ont réussi leur vie. 26% d’entre eux répondent par la négative à cette question (21% « non, plutôt pas » et 5% « non, pas du tout »).
Il apparaît que ceux qui pensent ne pas avoir réussi leur vie sont significativement surreprésentés (35% contre 26% en moyenne) chez les sondés qui déclarent être d’accord avec cinq théories du complot ou plus sur celles proposées dans une batterie centrale de dix énoncés complotistes concernant par exemple les vaccins, la mort de Lady Diana, les attentats du 11-Septembre, les « Illuminati » ou encore l'existence d'un « complot sioniste mondial ». Ils sont aussi surreprésentés chez les personnes qui se déclarent « Gilets jaunes » (36%).
Comment expliquer cette corrélation ? Les spécialistes s'accordent à considérer qu'à travers l'adhésion à des récits complotistes, les sujets cherchent à se rassurer, à donner un sens au malheur qui les frappe.
Dans Le Perdant radical (Gallimard, 2006 – ci-contre), l’essayiste allemand Hans Magnus Enzensberger brosse le portrait d’hommes travaillés par le sentiment exacerbé de leur propre déchéance. Le conspirationnisme serait un trait récurrent de la personnalité de ces perdants radicaux en ce qu’il leur permettrait de se présenter à eux-mêmes et au monde comme les victimes d’une machination ourdie par des forces obscures rendues responsables de leurs échecs :
« Ce qui occupe l'esprit du perdant de manière obsessionnelle, c'est la comparaison avec les autres, qui à tout instant se révèle à son désavantage. [...] La question de savoir pourquoi il en est ainsi contribue à ses tourments. Car ce ne peut en aucun cas être sa faute. C'est impensable. Voilà pourquoi il doit trouver des coupables qui sont responsables de son sort. [...] le perdant se contente la plupart du temps des supports qui dérivent librement dans la société. Les puissances menaçantes qui se sont liguées contre lui ne sont pas difficiles à identifier. En général, il s'agit d'étrangers, des services secrets, de communistes, d'Américains, de multinationales, d'hommes politiques, d'infidèles. Presque toujours ce sont aussi des Juifs. »
Voir aussi :
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