Le livre Qui a trahi Anne Frank ? de Rosemary Sullivan soutient une thèse critiquable, mâtinée de complotisme.
« Que serait-elle devenue, la merveilleuse enfant qui, sans le savoir, a écrit cette manière de chef d’œuvre, s’interrogeait l’historien Daniel-Rops dans sa préface à la première édition française du Journal d’Anne Frank parue en 1950. On ne pense pas sans déchirement à tout ce que cette sensibilité et cette intelligence si bien harmonisées eussent pu donner si l’affreuse machine aux masques nombreux qui est en train de broyer notre civilisation entière ne les avait, il y a cinq ans, dévorées, anéanties. » [1]
L’un de ces « masques nombreux » n’est toutefois jamais tombé. Aujourd’hui encore, impossible de poser un nom et un visage sur la personne qui, un beau jour de l’été 1944, a révélé aux nazis que les familles Frank et Van Pels se cachaient dans l’annexe secrète d’un immeuble d’Amsterdam. Bien des suspects ont défilé devant les enquêteurs de la police néerlandaise, puis les historiens : un magasinier malhonnête, Willem Van Maaren ; l’épouse d’un autre magasinier, Lena Hartog-Van Bladeren ; un « collabo » hollandais, Tonny Ahlers ; et ainsi de suite, mais sans jamais autre chose que de fragiles présomptions en guise de preuve – et de fermes dénégations à défaut d’aveu des principaux intéressés [2].
Une enquête récente va jusqu’à suggérer l’hypothèse que l’arrestation des Frank et des Van Pels serait le fruit du hasard, les nazis ayant fouillé l’immeuble alors qu’ils conduisaient une enquête sur un trafic de tickets de rationnement – mais l’affirmation peine à convaincre entièrement [3].
Il est vrai que, selon l’historien Jacob Presser, plusieurs milliers de Juifs des Pays-Bas « perdirent la vie à cause de dénonciations, anonymes ou autres, commises parfois par ceux qui les recueillaient », sachant que les listes de Juifs en fuite étaient diffusées par la police hollandaise, et que chaque Juif dénoncé rapportait une petite prime au délateur [4]. Si des « chasseurs de Juifs » ont pu être retrouvés et appréhendés, il n’en est hélas pas de même du menu fretin.
Au fur et à mesure que le Journal gagnait en notoriété, jusqu’à faire de cette jeune diariste l’une des figures les plus célèbres de la Shoah, le mystère entourant son dénonciateur n’a pas manqué d’intriguer le grand public. Evoquant Karl Silberbauer, le S.S. qui avait arrêté Anne Frank, Simon Wiesenthal, célèbre « chasseur de nazis », écrivait que cet homme, « cela va de soi, n’a pas la moindre importance. Comparé à bien d’autres noms de mes dossiers, il n’est personne, un vrai zéro. Mais la silhouette qui se profile devant ce zéro est celle d’Anne Frank. » [5] Même constat s’agissant du délateur, à tel point que son identité est devenue une véritable énigme historique, lourde de dérives. La dernière théorie en date en est une regrettable illustration.
Ladite théorie, de prime abord, présente tous les appas du travail sérieux. Ayant fait l’objet d’un plan de communication redoutable, traduite en 23 langues, et exposée par la plume alerte de la journaliste canadienne Rosemary Sullivan, elle résulte d’une enquête conduite par toute une équipe de chercheurs (« l’équipe »), de surcroît dirigés par un agent du FBI à la retraite, Vincent Pankoke. Recherches archivistiques, recoupements de documents et de témoignages, expertises scientifiques ultra-modernes, rien ne semble avoir été épargné pour identifier le traître [6].
Lequel ne serait autre qu’un notaire juif, Arnold van den Bergh (1886-1950), également membre du Conseil juif d’Amsterdam – instance mise en place par les nazis pour encadrer la communauté juive locale, à l’instar de ce qui était pratiqué dans les autres pays occupés. Le suspect aurait certes cherché à sauver sa propre famille, ce qui n’aurait rien d’inédit, et son geste, à le supposer établi, relèverait surtout de la « collaboration de la corde et du pendu » [7].
L’accusation n’en demeure pas moins des plus troublantes. Elle fait de ce défunt notaire un avatar contemporain de Judas, ouvrant la voie à des insinuations antisémites selon lesquelles les Juifs, en dénonçant les Juifs, seraient aussi responsables de la Shoah. Le plus grave, toutefois, est ailleurs : l’accusation, en effet, n’a aucun fondement, et révèle même des « tics » conspirationnistes.
Une enquête sérieuse, digne des Experts, NCIS et autres héros de Cold Case, faisant appel à des expertises ADN et autres « intelligences artificielles » ? La lecture de l’ouvrage de Rosemary Sullivan témoigne surtout d’une relecture de documents et de témoignages connus, comme l’a observé le New York Times : « En définitive, les outils de haute technologie ont joué un rôle minime dans leurs découvertes, lesquelles découlent surtout du fait que les enquêteurs ont rouvert de vieilles pistes. » Ainsi, Van den Bergh avait été déjà soupçonné par un spécialiste du dossier, l’historien David Barnouw, qui avait fini par écarter ce suspect.
Et pour cause : ainsi que le fait remarquer Barnouw, de même que Natasha Gerson, aucune preuve ne l’incrimine, hormis une note anonyme adressée après la guerre à Otto Frank, le père d’Anne, unique survivant de sa famille déportée. Laquelle note pourrait bien avoir été rédigée par un ennemi personnel de Van den Bergh, un notaire pro-nazi du nom de Schepers [8] ! Rien de bien sérieux, donc, d’autant que le reste ne repose que sur des interprétations gratuites, des déductions boiteuses, voire totalement inexactes.
Notamment, « l’équipe » d’enquêteurs prétend que Van den Bergh aurait possédé, en tant que membre du Conseil juif, une liste des Juifs entrés dans la clandestinité. Une allégation qui s’est heurtée au scepticisme d’historiens spécialistes de la Shoah aux Pays-Bas, tels que Laurien Vastenhout, Erik Somers ou encore Bart van der Boom, professeur adjoint à l'Université de Leiden. D’autant que notre « équipe » n’est pas parvenue à retrouver cette fameuse liste…
Surtout, expliquent d’autres historiens hollandais, tels que Johannes Houwink ten Cate et Raymond Schutz, Van den Bergh pouvait difficilement dénoncer la famille Frank au cours de l’été 1944… puisque lui-même se cachait, à la même époque, à Amsterdam ou, plus sûrement encore, à Laren.
L’accusation contre Van den Bergh n’a donc rien de solide. Elle sombre même dans le ridicule quand « l’équipe » se met à élaborer une théorie du complot pour tenter de combler les failles béantes de son argumentation.
Qu’on en juge : dès l’immédiat après-guerre, Otto Frank aurait instauré une conspiration du silence, mentant à des témoins, survivants et enquêteurs aux fins de dissimuler la pseudo-culpabilité de Van den Bergh. Le Fonds Anne Frank, organisation caritative créée par Otto Frank et détenant les droits d’auteur d’Anne Frank, aurait perpétué cette loi du silence. La preuve, ledit Fonds, qui posséderait « la clé du mystère » aurait mystérieusement refusé d’appuyer l’enquête de « l’équipe » [9] !
Comme tant d’autres divagations conspirationnistes, celle-ci se fonde certes sur un fait authentique : Otto Frank a effectivement tenté, plusieurs années durant, de dissimuler l’identité du policier nazi qui avait arrêté sa famille, Karl Silberbauer, allant jusqu’à faire croire qu’il s’appelait Silberthaler pour égarer les recherches. Peu soucieux de vengeance (« cela ne me rendra pas ma femme et mes filles » [10]), Otto Frank s’était montré des plus indulgents envers Silberbauer, en qui il ne voyait qu’un agent discipliné, mais point fanatique, de l’appareil de répression allemand [11]. Mais il ne s’agissait nullement de protéger Van den Bergh, contrairement à ce que suppose « l’équipe ».
Discréditée par l’ensemble des historiens sérieux, la thèse incriminant Van den Bergh ne repose effectivement que sur des effets de manche, une publicité bien rodée et une trame complotiste. A la suite des nombreuses critiques portées contre le livre de Rosemary Sullivan, son impression a été suspendue aux Pays-Bas. De quoi dégonfler définitivement cette baudruche médiatique ?
Notes :
[1] Journal de Anne Frank, Paris, Calmann-Lévy, 1950 (trad. du néerlandais), préface de Daniel-Rops, p. VII.
[2] Sur les tentatives d’identification du délateur inconnu, lire, en français, Carol Ann Lee, Anne Frank. Les secrets d’une vie, Paris, Robert Laffont, 1999, et J’ai Lu, 2001, p. 313-340 (trad. de l’anglais) ainsi que, du même auteur, Otto, père d’Anne Frank, Paris, Ramsay, 2006, p. 329-337 (trad. de l’anglais) et l’excellente synthèse de Harry Paape, « La dénonciation », Institut national néerlandais pour la documentation de guerre, Les Journaux d’Anne Frank, Paris, Calmann-Lévy, 1989, p. 41-62 (trad. du néerlandais), de même que les soupçons de Melissa Müller, La vie d’Anne Frank, Paris, Perrin, 1998, p. 288-289 et 296-297 (trad. de l’allemand). En anglais, voir l’enquête de David Barnouw et Gerrold van der Stroom, « Who betrayed Anne Frank? », Institut national néerlandais pour la documentation de guerre, 2003.
[3] Voir la mise au point de Gertjan Broek, « An Investigative Report on the Betrayal and Arrest of the Inhabitants of the Secret Annex », Anne Frank House, 2016.
[4] Jacob Presser, Ashes in the Wind. The Destruction of Dutch Jewry, Londres, Souvenir Press, 2010, p. 392 (trad. du néerlandais, 1ère édition hollandaise : 1965).
[5] Simon Wiesenthal, Les assassins sont parmi nous, Paris, Stock, 1967, p. 206 (trad. de l’anglais).
[6] Rosemary Sullivan, Qui a trahi Anne Frank ?, Paris, Harper Collins, 2022 (trad. de l’anglais).
[7] Selon l’expression de Pierre Vidal-Naquet, « Thèses sur le révisionnisme », Les assassins de la mémoire. « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme, Paris, La Découverte, 1987 et 2005, p. 128.
[8] Du reste, l’équipe de chercheurs dont les conclusions sont résumées par Rosemary Sullivan fournit de nombreux éléments susceptibles d’établir que Schepers pourrait bien être l’auteur de cette note (Sullivan, Qui a trahi Anne Frank ?, op. cit., chap. 36 et 39 – sur liseuse)…
[9] Sullivan, Qui a trahi Anne Frank ?, op. cit., chap. 4 – sur liseuse
[10] Cité dans Lee, Anne Frank. Les secrets d’une vie, op. cit., p. 340.
[11] Lee, Otto, père d’Anne Frank, op. cit., p. 297. En conséquence, le premier récit sur la vie d’Anne Frank, rédigé par Ernst Schnabel, désignait Silberbauer sous le nom de Silberthaler (Ernst Schnabel, Sur les traces d’Anne Frank, Paris, Albin Michel, 1958 – trad. de l’allemand).
Voir aussi :
Pourquoi le livre « Qui a trahi Anne Frank ? » pose problème
« Que serait-elle devenue, la merveilleuse enfant qui, sans le savoir, a écrit cette manière de chef d’œuvre, s’interrogeait l’historien Daniel-Rops dans sa préface à la première édition française du Journal d’Anne Frank parue en 1950. On ne pense pas sans déchirement à tout ce que cette sensibilité et cette intelligence si bien harmonisées eussent pu donner si l’affreuse machine aux masques nombreux qui est en train de broyer notre civilisation entière ne les avait, il y a cinq ans, dévorées, anéanties. » [1]
L’un de ces « masques nombreux » n’est toutefois jamais tombé. Aujourd’hui encore, impossible de poser un nom et un visage sur la personne qui, un beau jour de l’été 1944, a révélé aux nazis que les familles Frank et Van Pels se cachaient dans l’annexe secrète d’un immeuble d’Amsterdam. Bien des suspects ont défilé devant les enquêteurs de la police néerlandaise, puis les historiens : un magasinier malhonnête, Willem Van Maaren ; l’épouse d’un autre magasinier, Lena Hartog-Van Bladeren ; un « collabo » hollandais, Tonny Ahlers ; et ainsi de suite, mais sans jamais autre chose que de fragiles présomptions en guise de preuve – et de fermes dénégations à défaut d’aveu des principaux intéressés [2].
Une enquête récente va jusqu’à suggérer l’hypothèse que l’arrestation des Frank et des Van Pels serait le fruit du hasard, les nazis ayant fouillé l’immeuble alors qu’ils conduisaient une enquête sur un trafic de tickets de rationnement – mais l’affirmation peine à convaincre entièrement [3].
Il est vrai que, selon l’historien Jacob Presser, plusieurs milliers de Juifs des Pays-Bas « perdirent la vie à cause de dénonciations, anonymes ou autres, commises parfois par ceux qui les recueillaient », sachant que les listes de Juifs en fuite étaient diffusées par la police hollandaise, et que chaque Juif dénoncé rapportait une petite prime au délateur [4]. Si des « chasseurs de Juifs » ont pu être retrouvés et appréhendés, il n’en est hélas pas de même du menu fretin.
Au fur et à mesure que le Journal gagnait en notoriété, jusqu’à faire de cette jeune diariste l’une des figures les plus célèbres de la Shoah, le mystère entourant son dénonciateur n’a pas manqué d’intriguer le grand public. Evoquant Karl Silberbauer, le S.S. qui avait arrêté Anne Frank, Simon Wiesenthal, célèbre « chasseur de nazis », écrivait que cet homme, « cela va de soi, n’a pas la moindre importance. Comparé à bien d’autres noms de mes dossiers, il n’est personne, un vrai zéro. Mais la silhouette qui se profile devant ce zéro est celle d’Anne Frank. » [5] Même constat s’agissant du délateur, à tel point que son identité est devenue une véritable énigme historique, lourde de dérives. La dernière théorie en date en est une regrettable illustration.
Ladite théorie, de prime abord, présente tous les appas du travail sérieux. Ayant fait l’objet d’un plan de communication redoutable, traduite en 23 langues, et exposée par la plume alerte de la journaliste canadienne Rosemary Sullivan, elle résulte d’une enquête conduite par toute une équipe de chercheurs (« l’équipe »), de surcroît dirigés par un agent du FBI à la retraite, Vincent Pankoke. Recherches archivistiques, recoupements de documents et de témoignages, expertises scientifiques ultra-modernes, rien ne semble avoir été épargné pour identifier le traître [6].
Lequel ne serait autre qu’un notaire juif, Arnold van den Bergh (1886-1950), également membre du Conseil juif d’Amsterdam – instance mise en place par les nazis pour encadrer la communauté juive locale, à l’instar de ce qui était pratiqué dans les autres pays occupés. Le suspect aurait certes cherché à sauver sa propre famille, ce qui n’aurait rien d’inédit, et son geste, à le supposer établi, relèverait surtout de la « collaboration de la corde et du pendu » [7].
L’accusation n’en demeure pas moins des plus troublantes. Elle fait de ce défunt notaire un avatar contemporain de Judas, ouvrant la voie à des insinuations antisémites selon lesquelles les Juifs, en dénonçant les Juifs, seraient aussi responsables de la Shoah. Le plus grave, toutefois, est ailleurs : l’accusation, en effet, n’a aucun fondement, et révèle même des « tics » conspirationnistes.
Une enquête sérieuse, digne des Experts, NCIS et autres héros de Cold Case, faisant appel à des expertises ADN et autres « intelligences artificielles » ? La lecture de l’ouvrage de Rosemary Sullivan témoigne surtout d’une relecture de documents et de témoignages connus, comme l’a observé le New York Times : « En définitive, les outils de haute technologie ont joué un rôle minime dans leurs découvertes, lesquelles découlent surtout du fait que les enquêteurs ont rouvert de vieilles pistes. » Ainsi, Van den Bergh avait été déjà soupçonné par un spécialiste du dossier, l’historien David Barnouw, qui avait fini par écarter ce suspect.
Et pour cause : ainsi que le fait remarquer Barnouw, de même que Natasha Gerson, aucune preuve ne l’incrimine, hormis une note anonyme adressée après la guerre à Otto Frank, le père d’Anne, unique survivant de sa famille déportée. Laquelle note pourrait bien avoir été rédigée par un ennemi personnel de Van den Bergh, un notaire pro-nazi du nom de Schepers [8] ! Rien de bien sérieux, donc, d’autant que le reste ne repose que sur des interprétations gratuites, des déductions boiteuses, voire totalement inexactes.
Notamment, « l’équipe » d’enquêteurs prétend que Van den Bergh aurait possédé, en tant que membre du Conseil juif, une liste des Juifs entrés dans la clandestinité. Une allégation qui s’est heurtée au scepticisme d’historiens spécialistes de la Shoah aux Pays-Bas, tels que Laurien Vastenhout, Erik Somers ou encore Bart van der Boom, professeur adjoint à l'Université de Leiden. D’autant que notre « équipe » n’est pas parvenue à retrouver cette fameuse liste…
Surtout, expliquent d’autres historiens hollandais, tels que Johannes Houwink ten Cate et Raymond Schutz, Van den Bergh pouvait difficilement dénoncer la famille Frank au cours de l’été 1944… puisque lui-même se cachait, à la même époque, à Amsterdam ou, plus sûrement encore, à Laren.
L’accusation contre Van den Bergh n’a donc rien de solide. Elle sombre même dans le ridicule quand « l’équipe » se met à élaborer une théorie du complot pour tenter de combler les failles béantes de son argumentation.
Qu’on en juge : dès l’immédiat après-guerre, Otto Frank aurait instauré une conspiration du silence, mentant à des témoins, survivants et enquêteurs aux fins de dissimuler la pseudo-culpabilité de Van den Bergh. Le Fonds Anne Frank, organisation caritative créée par Otto Frank et détenant les droits d’auteur d’Anne Frank, aurait perpétué cette loi du silence. La preuve, ledit Fonds, qui posséderait « la clé du mystère » aurait mystérieusement refusé d’appuyer l’enquête de « l’équipe » [9] !
Comme tant d’autres divagations conspirationnistes, celle-ci se fonde certes sur un fait authentique : Otto Frank a effectivement tenté, plusieurs années durant, de dissimuler l’identité du policier nazi qui avait arrêté sa famille, Karl Silberbauer, allant jusqu’à faire croire qu’il s’appelait Silberthaler pour égarer les recherches. Peu soucieux de vengeance (« cela ne me rendra pas ma femme et mes filles » [10]), Otto Frank s’était montré des plus indulgents envers Silberbauer, en qui il ne voyait qu’un agent discipliné, mais point fanatique, de l’appareil de répression allemand [11]. Mais il ne s’agissait nullement de protéger Van den Bergh, contrairement à ce que suppose « l’équipe ».
Discréditée par l’ensemble des historiens sérieux, la thèse incriminant Van den Bergh ne repose effectivement que sur des effets de manche, une publicité bien rodée et une trame complotiste. A la suite des nombreuses critiques portées contre le livre de Rosemary Sullivan, son impression a été suspendue aux Pays-Bas. De quoi dégonfler définitivement cette baudruche médiatique ?
Notes :
[1] Journal de Anne Frank, Paris, Calmann-Lévy, 1950 (trad. du néerlandais), préface de Daniel-Rops, p. VII.
[2] Sur les tentatives d’identification du délateur inconnu, lire, en français, Carol Ann Lee, Anne Frank. Les secrets d’une vie, Paris, Robert Laffont, 1999, et J’ai Lu, 2001, p. 313-340 (trad. de l’anglais) ainsi que, du même auteur, Otto, père d’Anne Frank, Paris, Ramsay, 2006, p. 329-337 (trad. de l’anglais) et l’excellente synthèse de Harry Paape, « La dénonciation », Institut national néerlandais pour la documentation de guerre, Les Journaux d’Anne Frank, Paris, Calmann-Lévy, 1989, p. 41-62 (trad. du néerlandais), de même que les soupçons de Melissa Müller, La vie d’Anne Frank, Paris, Perrin, 1998, p. 288-289 et 296-297 (trad. de l’allemand). En anglais, voir l’enquête de David Barnouw et Gerrold van der Stroom, « Who betrayed Anne Frank? », Institut national néerlandais pour la documentation de guerre, 2003.
[3] Voir la mise au point de Gertjan Broek, « An Investigative Report on the Betrayal and Arrest of the Inhabitants of the Secret Annex », Anne Frank House, 2016.
[4] Jacob Presser, Ashes in the Wind. The Destruction of Dutch Jewry, Londres, Souvenir Press, 2010, p. 392 (trad. du néerlandais, 1ère édition hollandaise : 1965).
[5] Simon Wiesenthal, Les assassins sont parmi nous, Paris, Stock, 1967, p. 206 (trad. de l’anglais).
[6] Rosemary Sullivan, Qui a trahi Anne Frank ?, Paris, Harper Collins, 2022 (trad. de l’anglais).
[7] Selon l’expression de Pierre Vidal-Naquet, « Thèses sur le révisionnisme », Les assassins de la mémoire. « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le révisionnisme, Paris, La Découverte, 1987 et 2005, p. 128.
[8] Du reste, l’équipe de chercheurs dont les conclusions sont résumées par Rosemary Sullivan fournit de nombreux éléments susceptibles d’établir que Schepers pourrait bien être l’auteur de cette note (Sullivan, Qui a trahi Anne Frank ?, op. cit., chap. 36 et 39 – sur liseuse)…
[9] Sullivan, Qui a trahi Anne Frank ?, op. cit., chap. 4 – sur liseuse
[10] Cité dans Lee, Anne Frank. Les secrets d’une vie, op. cit., p. 340.
[11] Lee, Otto, père d’Anne Frank, op. cit., p. 297. En conséquence, le premier récit sur la vie d’Anne Frank, rédigé par Ernst Schnabel, désignait Silberbauer sous le nom de Silberthaler (Ernst Schnabel, Sur les traces d’Anne Frank, Paris, Albin Michel, 1958 – trad. de l’allemand).
Voir aussi :
Pourquoi le livre « Qui a trahi Anne Frank ? » pose problème
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