Cette petite brochure de 10 cm sur 15 est apparue en mai 2002 sur les stands de livres dressés à l’occasion du rassemblement annuel de l’UOIF au Bourget.
Dans une librairie du XIème arrondissement de Paris, rue Jean-Pierre Timbaud, on peut acquérir, pour deux euros, le Manifeste judéo-nazi d’Ariel Sharon. Trônant à côté d’ouvrages de Roger Garaudy ou des cassettes du prédicateur islamiste Hassan Iquioussen, ce faux antisémite de 64 pages, souvent comparé aux Protocoles des Sages de Sion, a pour sous-titre : « Les origines du génocide actuel des Palestiniens » (Paris, avril 2002).
Cette petite brochure de 10 cm sur 15 est apparue en mai 2002 sur les stands de livres dressés à l’occasion du rassemblement annuel de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) au Bourget. Le Manifeste judéo-nazi, qui entend « résumer l’idéologie sioniste », se présente comme la « véritable profession de foi nazie » (sic) d’Ariel Sharon. Plus de sept ans après sa publication, il continue de circuler sur internet, notamment sur le site islamiste de Smaïn Bedrouni, la Voix des Opprimés.
« La brochure, indique Pierre-André Taguieff, contient, outre la traduction française du texte faussement attribué à Sharon (p. 4-27), des « Notes de l’éditeur » (p. 28-38), la version anglaise du pseudo « Manifeste » (p. 40-50), et la traduction française d’un article violemment antisioniste attribué à Israël Shamir et repris d’un site Internet pro-palestinien (p. 52-63) » (1).
A l’origine de ce texte falsifié, un long entretien réalisé en 1982 par l'écrivain israélien Amos Oz pour le journal Davar et repris dans un livre paru en français en 1983, sous le titre Les Voix d'Israël (Calmann-Lévy). L’interlocuteur anonyme d'Amos Oz, uniquement désigné par la lettre T., se disait prêt à appliquer aux Palestiniens les méthodes qu’Hitler a utilisées contre les Juifs.
« Amos Oz n'a jamais révélé l'identité de son interlocuteur (…). Il s'en explique dans Les Voix d'Israël : "Comme T. refuse toujours de "se découvrir", je suis contraint de respecter la promesse que je lui ai faite de conserver son anonymat." Mais l'écrivain israélien, militant de longue date du camp de la paix, interrogé par Le Monde diplomatique, a affirmé de façon formelle que le personnage qui s'était confié à lui - aujourd'hui décédé - n'était pas Ariel Sharon (Amos Oz a d'ailleurs déclaré n'avoir jamais rencontré, ni a fortiori interviewé, Ariel Sharon - NDLR). Un élément du texte vient confirmer cette assertion : dans l'entretien reproduit dans Les Voix d'Israël, T. affirme être prêt à assumer les violences contre les Arabes "avec Sharon, Begin et Rafoul Eytan". On voit mal Ariel Sharon se citer lui-même... De manière significative, dans le petit libelle diffusé dans les milieux islamistes, la citation a été tronquée et le nom de Sharon a disparu » (2).
Bref, les auteurs du Manifeste judéo-nazi ont tout simplement coupé les phrases qui gênaient leur démonstration afin de faire accréditer l’idée que c’était bien Ariel Sharon, alors Premier ministre de l’Etat d’Israël, qui avait tenu de tels propos. « Le mélange du vrai et du faux est plus faux que le faux » disait Paul Valéry.
A qui doit-on cette falsification ? Les éditeurs de la brochure figurent sur la page de garde : Parti des Musulmans de France, Parti de la France plurielle, Arab Commission of Human Rights, Association La Pierre et l'Olivier, Collectif de la Communauté tunisienne en Europe.
• Le Collectif de la Communauté Tunisienne en Europe (CCTE) est présidé par le négationniste tunisien Mondher Sfar – dont l’adresse électronique est d'ailleurs indiquée en page 2 du Manifeste judéo-nazi. Résidant en France depuis 1974, Mondher Sfar a collaboré au début des années 1990 à la Revue d’histoire révisionniste, créée par le militant d’extrême droite Henri Roques. Il y a publié trois articles dans lesquels il se livrait « à une dénonciation forcenée du "mythe des chambres à gaz", des "prêtres de l'Holocauste qui ont élevé la mémoire d'Auschwitz au rang d'une religion". Dès cette époque, il s'en prenait aussi au "fascisme juif contemporain" » (3). Selon lui, « l’idée du Génocide a été inventée par le mouvement juif racial ».
• L'Arab Commission of Human Rights (ACHR) ou Commission arabe des droits humains (CADH) se présente comme une ONG de défense des droits de l’homme dans le monde arabe. Surprise : en 2004, deux ans après avoir participé à la publication du Manifeste judéo-nazi, cette ONG très discrète a été accréditée auprès de l’ONU. Son porte-parole jusqu’à la fin de l’année 2008 était Rachid Mesli, avocat algérien réfugié en Suisse depuis 2000. Ce dernier est, depuis le début des années 1990, l’avocat des leaders du Front islamique du Salut (FIS), Abbassi Madani et Ali Belhadj. Le 18 janvier dernier, l'Algérie a demandé à l’ONU de suspendre le statut consultatif de la CADH au motif que Rachid Mesli appartiendrait au GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), un groupe armé inscrit sur la liste des organisations terroristes dressée par les Etats-Unis.
• Le Parti de la France plurielle (PFP) a été créé en 2001 par Tawfik Mathlouthi, propriétaire de Radio Méditerranée FM et PDG de l'entreprise commercialisant la boisson Mecca Cola. En octobre 2005, une mise en demeure a été adressée par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) à Radio Méditerranée FM en raison de dérapages antisémites fréquents, en particulier pour des propos tenus à l'antenne par Dieudonné en mars 2005.
• La Pierre et l'Olivier est une association pro-palestinienne radicale créée en 1990 et présidée par Ginette Skandrani, ancienne membre de la direction nationale des Verts, dont elle a été exclue en raison de ses dérives antisémites. Habituée de l'antenne de Radio Méditerranée FM de Tawfik Mathlouthi, elle est à l'origine de la création de l'Alliance Zapatiste de Libération Sociale (AZLS) qui édite la revue Basta. Elle avait notamment rédigé, pour le site geostrategie.com (dont le responsable de la rédaction est le militant d'extrême droite Christian Bouchet), un article intitulé « Au secours, les nazis sont de retour », comparant Jénine à un camp de concentration. Ginette Skandrani est enfin une proche du négationniste Serge Thion, le créateur de l'AAARGH (Association des Anciens Amateurs de Récits de Guerres et d’Holocaustes).
• Le Parti des Musulmans de France (PMF) a été créé à Strasbourg en 1997 par le Franco-Algérien Mohamed Latrèche, un autre proche de Serge Thion. Décrit comme un « Le Pen arabe » par le chercheur Franck Fregosi (CNRS), Latrèche est à l'origine de plusieurs manifestations propalestiniennes radicales.
Notes :
(1) Voir « L’émergence d’une judéophobie planétaire : islamisme, anti-impérialisme, antisionisme », revue Outre-Terre, no 3 2003/2. Le site web cité par Taguieff est solidarite-palestine.org.
(2) Voir Xavier Ternisien, « Un pamphlet antisémite circule dans les milieux propalestiniens radicaux », Le Monde, 12 juin 2002.
(3) Ibid.
Voir aussi :
(Dernière mise à jour le 15/01/2020)
Cette petite brochure de 10 cm sur 15 est apparue en mai 2002 sur les stands de livres dressés à l’occasion du rassemblement annuel de l’UOIF au Bourget.
Dans une librairie du XIème arrondissement de Paris, rue Jean-Pierre Timbaud, on peut acquérir, pour deux euros, le Manifeste judéo-nazi d’Ariel Sharon. Trônant à côté d’ouvrages de Roger Garaudy ou des cassettes du prédicateur islamiste Hassan Iquioussen, ce faux antisémite de 64 pages, souvent comparé aux Protocoles des Sages de Sion, a pour sous-titre : « Les origines du génocide actuel des Palestiniens » (Paris, avril 2002).
Cette petite brochure de 10 cm sur 15 est apparue en mai 2002 sur les stands de livres dressés à l’occasion du rassemblement annuel de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF) au Bourget. Le Manifeste judéo-nazi, qui entend « résumer l’idéologie sioniste », se présente comme la « véritable profession de foi nazie » (sic) d’Ariel Sharon. Plus de sept ans après sa publication, il continue de circuler sur internet, notamment sur le site islamiste de Smaïn Bedrouni, la Voix des Opprimés.
« La brochure, indique Pierre-André Taguieff, contient, outre la traduction française du texte faussement attribué à Sharon (p. 4-27), des « Notes de l’éditeur » (p. 28-38), la version anglaise du pseudo « Manifeste » (p. 40-50), et la traduction française d’un article violemment antisioniste attribué à Israël Shamir et repris d’un site Internet pro-palestinien (p. 52-63) » (1).
A l’origine de ce texte falsifié, un long entretien réalisé en 1982 par l'écrivain israélien Amos Oz pour le journal Davar et repris dans un livre paru en français en 1983, sous le titre Les Voix d'Israël (Calmann-Lévy). L’interlocuteur anonyme d'Amos Oz, uniquement désigné par la lettre T., se disait prêt à appliquer aux Palestiniens les méthodes qu’Hitler a utilisées contre les Juifs.
« Amos Oz n'a jamais révélé l'identité de son interlocuteur (…). Il s'en explique dans Les Voix d'Israël : "Comme T. refuse toujours de "se découvrir", je suis contraint de respecter la promesse que je lui ai faite de conserver son anonymat." Mais l'écrivain israélien, militant de longue date du camp de la paix, interrogé par Le Monde diplomatique, a affirmé de façon formelle que le personnage qui s'était confié à lui - aujourd'hui décédé - n'était pas Ariel Sharon (Amos Oz a d'ailleurs déclaré n'avoir jamais rencontré, ni a fortiori interviewé, Ariel Sharon - NDLR). Un élément du texte vient confirmer cette assertion : dans l'entretien reproduit dans Les Voix d'Israël, T. affirme être prêt à assumer les violences contre les Arabes "avec Sharon, Begin et Rafoul Eytan". On voit mal Ariel Sharon se citer lui-même... De manière significative, dans le petit libelle diffusé dans les milieux islamistes, la citation a été tronquée et le nom de Sharon a disparu » (2).
Bref, les auteurs du Manifeste judéo-nazi ont tout simplement coupé les phrases qui gênaient leur démonstration afin de faire accréditer l’idée que c’était bien Ariel Sharon, alors Premier ministre de l’Etat d’Israël, qui avait tenu de tels propos. « Le mélange du vrai et du faux est plus faux que le faux » disait Paul Valéry.
A qui doit-on cette falsification ? Les éditeurs de la brochure figurent sur la page de garde : Parti des Musulmans de France, Parti de la France plurielle, Arab Commission of Human Rights, Association La Pierre et l'Olivier, Collectif de la Communauté tunisienne en Europe.
• Le Collectif de la Communauté Tunisienne en Europe (CCTE) est présidé par le négationniste tunisien Mondher Sfar – dont l’adresse électronique est d'ailleurs indiquée en page 2 du Manifeste judéo-nazi. Résidant en France depuis 1974, Mondher Sfar a collaboré au début des années 1990 à la Revue d’histoire révisionniste, créée par le militant d’extrême droite Henri Roques. Il y a publié trois articles dans lesquels il se livrait « à une dénonciation forcenée du "mythe des chambres à gaz", des "prêtres de l'Holocauste qui ont élevé la mémoire d'Auschwitz au rang d'une religion". Dès cette époque, il s'en prenait aussi au "fascisme juif contemporain" » (3). Selon lui, « l’idée du Génocide a été inventée par le mouvement juif racial ».
• L'Arab Commission of Human Rights (ACHR) ou Commission arabe des droits humains (CADH) se présente comme une ONG de défense des droits de l’homme dans le monde arabe. Surprise : en 2004, deux ans après avoir participé à la publication du Manifeste judéo-nazi, cette ONG très discrète a été accréditée auprès de l’ONU. Son porte-parole jusqu’à la fin de l’année 2008 était Rachid Mesli, avocat algérien réfugié en Suisse depuis 2000. Ce dernier est, depuis le début des années 1990, l’avocat des leaders du Front islamique du Salut (FIS), Abbassi Madani et Ali Belhadj. Le 18 janvier dernier, l'Algérie a demandé à l’ONU de suspendre le statut consultatif de la CADH au motif que Rachid Mesli appartiendrait au GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le combat), un groupe armé inscrit sur la liste des organisations terroristes dressée par les Etats-Unis.
• Le Parti de la France plurielle (PFP) a été créé en 2001 par Tawfik Mathlouthi, propriétaire de Radio Méditerranée FM et PDG de l'entreprise commercialisant la boisson Mecca Cola. En octobre 2005, une mise en demeure a été adressée par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) à Radio Méditerranée FM en raison de dérapages antisémites fréquents, en particulier pour des propos tenus à l'antenne par Dieudonné en mars 2005.
• La Pierre et l'Olivier est une association pro-palestinienne radicale créée en 1990 et présidée par Ginette Skandrani, ancienne membre de la direction nationale des Verts, dont elle a été exclue en raison de ses dérives antisémites. Habituée de l'antenne de Radio Méditerranée FM de Tawfik Mathlouthi, elle est à l'origine de la création de l'Alliance Zapatiste de Libération Sociale (AZLS) qui édite la revue Basta. Elle avait notamment rédigé, pour le site geostrategie.com (dont le responsable de la rédaction est le militant d'extrême droite Christian Bouchet), un article intitulé « Au secours, les nazis sont de retour », comparant Jénine à un camp de concentration. Ginette Skandrani est enfin une proche du négationniste Serge Thion, le créateur de l'AAARGH (Association des Anciens Amateurs de Récits de Guerres et d’Holocaustes).
• Le Parti des Musulmans de France (PMF) a été créé à Strasbourg en 1997 par le Franco-Algérien Mohamed Latrèche, un autre proche de Serge Thion. Décrit comme un « Le Pen arabe » par le chercheur Franck Fregosi (CNRS), Latrèche est à l'origine de plusieurs manifestations propalestiniennes radicales.
Notes :
(1) Voir « L’émergence d’une judéophobie planétaire : islamisme, anti-impérialisme, antisionisme », revue Outre-Terre, no 3 2003/2. Le site web cité par Taguieff est solidarite-palestine.org.
(2) Voir Xavier Ternisien, « Un pamphlet antisémite circule dans les milieux propalestiniens radicaux », Le Monde, 12 juin 2002.
(3) Ibid.
Voir aussi :
(Dernière mise à jour le 15/01/2020)
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