Stephen Velychenko est historien et chercheur au département d’études ukrainiennes de l’Université de Toronto, au Canada. Témoin de la naissance du mouvement EuroMaïdan, qui conduisit à la destitution du président Viktor Ianoukovitch en février 2014, il vient d’adresser une lettre ouverte à Oliver Stone pour réagir aux récents commentaires complotistes du réalisateur américain sur la crise ukrainienne :
« Vous semblez effectivement croire la version de M. Ianoukovitch qui, évidemment, comme tous les dictateurs déchus, attribue son sort à des "forces extérieures" plutôt qu’à lui-même, ses politiques et ses partisans, en Ukraine et à l’étranger. Tout comme M. Ianoukovitch et M. Poutine, vous semblez penser que le nouveau gouvernement issu des événements de la place Maïdan est le résultat de machinations de la CIA ».
Et de poursuivre : « Croyez-vous vraiment, M. Stone, que dans les grands événements de l’histoire du monde au cours des siècles passés, les services de renseignement et les espions des grandes puissances n’ont pas été impliqués ? »
« Des agents secrets français étaient impliqués aux côtés des chefs de la Révolution américaine de 1776, dont certains étaient francs-maçons ; ce fait doit-il primer [dans notre analyse de la guerre d’indépendance américaine] sur l'influence des idéaux des Lumières et sur les intérêts et les doléances de ceux qui ont combattu l'armée du roi George ? La présence d'espions et de francs-maçons français à Philadelphie, New York et Boston signifie-t-elle que George Washington faisait partie d'un complot étranger ? Est-ce que le soutien du gouvernement britannique aux insurgés grecs dans les années 1820 signifie que leur révolte contre les Turcs n’était qu’un complot britannique ? (…) Le fait que les services secrets allemands ont soutenu et financé les bolcheviques en 1917-1918, signifie-t-il que la révolution russe n’était rien d’autre qu’un complot allemand et que ceux qui s’opposaient au tsar n’avaient aucun intérêt ou doléance légitimes ? Le soutien secret des Russes et des Chinois au Vietnam signifie-t-il qu’une proportion non négligeable du peuple vietnamien n’avait pas de griefs légitimes contre la domination française ou américaine et que leur guerre contre ces puissances n’était qu’un complot du KGB ? »
Vilipendant la vision de beaucoup d'Américains persistant à considérer l’Ukraine comme une « partie de la Russie », Velychenko dit espérer que Stone évoque dans son film le rôle des services secrets russes « dans l’accession au pouvoir de Ianoukovitch en 2010, dans le contrôle de son gouvernement par la suite et dans les événements de 2013-2014 ».
« En tout cas, conclut-il, j’espère que quel que soit le film que vous pourrez faire sur l'Ukraine, vous accorderez toute l’attention requise aux intérêts et aux doléances des Ukrainiens qui, comme leurs homologues d'Europe orientale l’ont démontré en 1989, ne veulent pas être gouvernés par des élites pro-Kremlin et luttent aujourd'hui encore, comme dans les années 1917-1922, contre une invasion russe. J’espère également que, si un cinéaste de votre envergure réalise un documentaire sur l'Ukraine, il ne se contentera pas de répéter comme un perroquet les idées d'un dictateur déchu et honni qui a construit des palais de contes de fées avec des toilettes en or dans un pays pourri de corruption et de misère. J’espère qu’un tel film expliquera que les Ukrainiens ne veulent pas plus être contrôlés par la Russie ou par des dictateurs contrôlés par les Russes, que les peuples latino-américains et asiatiques ne veulent l’être par l'Amérique ou par des dictateurs contrôlés par les Américains ».
Voir aussi :
Stephen Velychenko est historien et chercheur au département d’études ukrainiennes de l’Université de Toronto, au Canada. Témoin de la naissance du mouvement EuroMaïdan, qui conduisit à la destitution du président Viktor Ianoukovitch en février 2014, il vient d’adresser une lettre ouverte à Oliver Stone pour réagir aux récents commentaires complotistes du réalisateur américain sur la crise ukrainienne :
« Vous semblez effectivement croire la version de M. Ianoukovitch qui, évidemment, comme tous les dictateurs déchus, attribue son sort à des "forces extérieures" plutôt qu’à lui-même, ses politiques et ses partisans, en Ukraine et à l’étranger. Tout comme M. Ianoukovitch et M. Poutine, vous semblez penser que le nouveau gouvernement issu des événements de la place Maïdan est le résultat de machinations de la CIA ».
Et de poursuivre : « Croyez-vous vraiment, M. Stone, que dans les grands événements de l’histoire du monde au cours des siècles passés, les services de renseignement et les espions des grandes puissances n’ont pas été impliqués ? »
« Des agents secrets français étaient impliqués aux côtés des chefs de la Révolution américaine de 1776, dont certains étaient francs-maçons ; ce fait doit-il primer [dans notre analyse de la guerre d’indépendance américaine] sur l'influence des idéaux des Lumières et sur les intérêts et les doléances de ceux qui ont combattu l'armée du roi George ? La présence d'espions et de francs-maçons français à Philadelphie, New York et Boston signifie-t-elle que George Washington faisait partie d'un complot étranger ? Est-ce que le soutien du gouvernement britannique aux insurgés grecs dans les années 1820 signifie que leur révolte contre les Turcs n’était qu’un complot britannique ? (…) Le fait que les services secrets allemands ont soutenu et financé les bolcheviques en 1917-1918, signifie-t-il que la révolution russe n’était rien d’autre qu’un complot allemand et que ceux qui s’opposaient au tsar n’avaient aucun intérêt ou doléance légitimes ? Le soutien secret des Russes et des Chinois au Vietnam signifie-t-il qu’une proportion non négligeable du peuple vietnamien n’avait pas de griefs légitimes contre la domination française ou américaine et que leur guerre contre ces puissances n’était qu’un complot du KGB ? »
Vilipendant la vision de beaucoup d'Américains persistant à considérer l’Ukraine comme une « partie de la Russie », Velychenko dit espérer que Stone évoque dans son film le rôle des services secrets russes « dans l’accession au pouvoir de Ianoukovitch en 2010, dans le contrôle de son gouvernement par la suite et dans les événements de 2013-2014 ».
« En tout cas, conclut-il, j’espère que quel que soit le film que vous pourrez faire sur l'Ukraine, vous accorderez toute l’attention requise aux intérêts et aux doléances des Ukrainiens qui, comme leurs homologues d'Europe orientale l’ont démontré en 1989, ne veulent pas être gouvernés par des élites pro-Kremlin et luttent aujourd'hui encore, comme dans les années 1917-1922, contre une invasion russe. J’espère également que, si un cinéaste de votre envergure réalise un documentaire sur l'Ukraine, il ne se contentera pas de répéter comme un perroquet les idées d'un dictateur déchu et honni qui a construit des palais de contes de fées avec des toilettes en or dans un pays pourri de corruption et de misère. J’espère qu’un tel film expliquera que les Ukrainiens ne veulent pas plus être contrôlés par la Russie ou par des dictateurs contrôlés par les Russes, que les peuples latino-américains et asiatiques ne veulent l’être par l'Amérique ou par des dictateurs contrôlés par les Américains ».
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