Le mythe des deux bandes bleues représentant le Nil et l’Euphrate appartient à la vaste famille des mythes paranoïaques antisionistes.
Le 22 janvier 2008, sur la télévision Al-Aqsa du Hamas, dont il est directeur, le député palestinien Fathi Hammad a déclaré : « Comme vous savez, le drapeau israélien comporte une étoile entre deux lignes bleues : le Nil et l’Euphrate. Les Juifs veulent envahir l’Egypte et l’Irak, détruire l’Arabie saoudite et retourner à Khaybar » (au temps du Prophète, Khaybar était la dernière place forte des tribus juives en Arabie – ndlr).
Le mythe du complot juif contre le monde arabe ou contre l’islam est récurrent dans le discours du Hamas et très répandu dans tout le monde musulman. Il convient pourtant de s’arrêter une minute sur le mythe des deux bandes bleues du drapeau israélien, censées représenter le Nil (au Sud) et l’Euphrate (au Nord). Ces deux bandes attesteraient à elles seules l’essence expansionniste – et donc belliqueuse – de l’Etat d’Israël.
Or, il suffit de se renseigner sur l’histoire de l’étendard israélien pour découvrir que sa forme et sa couleur ont été inspirées par le talith, le châle traditionnel, ancestral, pluriséculaire, dans lequel les juifs se drapent au moment de la prière.
Le mythe, qui a décidément la vie dure, a lui-même une histoire. Voici ce qu’en écrit Meïr Waintrater :
« Le mythe des deux bandes bleues représentant le Nil et l’Euphrate appartient à la vaste famille des mythes paranoïaques antisionistes. Ce mythe a un cousin germain: la fable selon laquelle une pièce de monnaie israélienne, la pièce de dix agorot, porte sur l’une de ses faces la représentation de la carte du Grand Israël toujours "du Nil à l’Euphrate". Dans les deux cas, la source de l’information est la même : il s’agit de Yasser Arafat en personne, qui en a fait l’exposé devant divers groupes de journalistes et jusqu’à la tribune des Nations unies. Des propagandistes se sont empressés de colporter ces balivernes, et de fil en aiguille elles ont acquis droit de cité non seulement au sein du monde arabo-musulman mais chez des militants occidentaux.
Ce qui caractérise de telles légendes, c’est qu’elles sont, en quelque sorte, constitutivement blindées contre le sens commun. Montrez à un antisioniste la monnaie datant de l’ère hasmonéenne qui est reproduite sur la pièce israélienne de dix agorot, dites-lui que ce dessin date d’il y a plus de deux mille ans et n’a rien à voir avec une prétendue carte du Grand Israël, il vous regardera d’un air entendu, et pensera que les sionistes ont plus d’un tour dans leur sac. La logique du complot résiste à toutes les atteintes de la logique.
On sait que des propagandistes anti-israéliens ont répété, pendant des années – certains le font encore – que le bâtiment de la Knesset était orné d’une carte et d’une invocation reprenant le fameux "du Nil à l’Euphrate". Il fut impossible de leur prouver le contraire. Lors de la visite du président Sadate à Jérusalem, en 1977, certains de ses accompagnateurs égyptiens demandèrent à voir ces "preuves" de la volonté sioniste d’expansion, et refusèrent de croire leurs hôtes qui leur expliquaient qu’elles n’existaient pas. Yasser Arafat se lança par la suite dans des affirmations confuses, d’où il ressortait que la carte "du Nil à l’Euphrate" avait été présente à la Knesset pendant dix ans, puis qu’elle avait été retirée, et réinstallée à nouveau. Beaucoup le crurent, sans doute, et continuent à le croire.
Les mythes antisionistes ne sont pas les seuls de leur genre. Il existe, de par le monde, des fanatiques de la conspiration qui voient partout les indices d’une présence occulte : un grade maçonnique dans une marque de bière, une image satanique dans le logo d’un fabriquant de lessive, une déclaration anti-musulmane dans le nom d’une boisson gazeuse et un sigle d’extrême droite sur une boîte de cigarettes. Ces croyances ridicules ne font de mal à personne. Mais l’obsession du complot, dans sa variante antisémite, est autrement dangereuse. Elle a derrière elle un long sillon de cadavres, et elle peut tuer encore. »
Source : Meïr Waintrater, « La face d’ombre du ressentiment. Danièle Sallenave et les deux bandes du drapeau israélien, ou la banalisation d’un discours paranoïaque », L’Arche, n° 554, avril 2004.
Pour aller plus loin :
Le 22 janvier 2008, sur la télévision Al-Aqsa du Hamas, dont il est directeur, le député palestinien Fathi Hammad a déclaré : « Comme vous savez, le drapeau israélien comporte une étoile entre deux lignes bleues : le Nil et l’Euphrate. Les Juifs veulent envahir l’Egypte et l’Irak, détruire l’Arabie saoudite et retourner à Khaybar » (au temps du Prophète, Khaybar était la dernière place forte des tribus juives en Arabie – ndlr).
Le mythe du complot juif contre le monde arabe ou contre l’islam est récurrent dans le discours du Hamas et très répandu dans tout le monde musulman. Il convient pourtant de s’arrêter une minute sur le mythe des deux bandes bleues du drapeau israélien, censées représenter le Nil (au Sud) et l’Euphrate (au Nord). Ces deux bandes attesteraient à elles seules l’essence expansionniste – et donc belliqueuse – de l’Etat d’Israël.
Or, il suffit de se renseigner sur l’histoire de l’étendard israélien pour découvrir que sa forme et sa couleur ont été inspirées par le talith, le châle traditionnel, ancestral, pluriséculaire, dans lequel les juifs se drapent au moment de la prière.
Le mythe, qui a décidément la vie dure, a lui-même une histoire. Voici ce qu’en écrit Meïr Waintrater :
« Le mythe des deux bandes bleues représentant le Nil et l’Euphrate appartient à la vaste famille des mythes paranoïaques antisionistes. Ce mythe a un cousin germain: la fable selon laquelle une pièce de monnaie israélienne, la pièce de dix agorot, porte sur l’une de ses faces la représentation de la carte du Grand Israël toujours "du Nil à l’Euphrate". Dans les deux cas, la source de l’information est la même : il s’agit de Yasser Arafat en personne, qui en a fait l’exposé devant divers groupes de journalistes et jusqu’à la tribune des Nations unies. Des propagandistes se sont empressés de colporter ces balivernes, et de fil en aiguille elles ont acquis droit de cité non seulement au sein du monde arabo-musulman mais chez des militants occidentaux.
Ce qui caractérise de telles légendes, c’est qu’elles sont, en quelque sorte, constitutivement blindées contre le sens commun. Montrez à un antisioniste la monnaie datant de l’ère hasmonéenne qui est reproduite sur la pièce israélienne de dix agorot, dites-lui que ce dessin date d’il y a plus de deux mille ans et n’a rien à voir avec une prétendue carte du Grand Israël, il vous regardera d’un air entendu, et pensera que les sionistes ont plus d’un tour dans leur sac. La logique du complot résiste à toutes les atteintes de la logique.
On sait que des propagandistes anti-israéliens ont répété, pendant des années – certains le font encore – que le bâtiment de la Knesset était orné d’une carte et d’une invocation reprenant le fameux "du Nil à l’Euphrate". Il fut impossible de leur prouver le contraire. Lors de la visite du président Sadate à Jérusalem, en 1977, certains de ses accompagnateurs égyptiens demandèrent à voir ces "preuves" de la volonté sioniste d’expansion, et refusèrent de croire leurs hôtes qui leur expliquaient qu’elles n’existaient pas. Yasser Arafat se lança par la suite dans des affirmations confuses, d’où il ressortait que la carte "du Nil à l’Euphrate" avait été présente à la Knesset pendant dix ans, puis qu’elle avait été retirée, et réinstallée à nouveau. Beaucoup le crurent, sans doute, et continuent à le croire.
Les mythes antisionistes ne sont pas les seuls de leur genre. Il existe, de par le monde, des fanatiques de la conspiration qui voient partout les indices d’une présence occulte : un grade maçonnique dans une marque de bière, une image satanique dans le logo d’un fabriquant de lessive, une déclaration anti-musulmane dans le nom d’une boisson gazeuse et un sigle d’extrême droite sur une boîte de cigarettes. Ces croyances ridicules ne font de mal à personne. Mais l’obsession du complot, dans sa variante antisémite, est autrement dangereuse. Elle a derrière elle un long sillon de cadavres, et elle peut tuer encore. »
Source : Meïr Waintrater, « La face d’ombre du ressentiment. Danièle Sallenave et les deux bandes du drapeau israélien, ou la banalisation d’un discours paranoïaque », L’Arche, n° 554, avril 2004.
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