Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Usul : du combat contre la « mythologie républicaine » à la tentation complotiste

Publié par Yann Barte02 janvier 2018

Tollé général sur les réseaux sociaux ! Fin décembre 2017, sur Twitter, une interview du youtubeur Usul refait surface. Le vidéaste, également chroniqueur sur Mediapart, appelle à « débloquer la démocratie » en « tabassant les flics ». Usul n'est pas seulement en guerre contre la « vision de la police très très Charlie » et ce qu'il appelle de façon plus générale la « mythologie républicaine ». Il semble aussi fasciné par la pensée « anti-système » d'Alain Soral et de ses compagnons idéologiques que, paradoxalement, il prétend combattre.

Usul interviewé sur RT France (capture d'écran)

Alors que Twitter durcit ses règles face aux « conduites haineuses », une interview récemment exhumée de Usul (datée de mai 2017) ne passe pas inaperçue. Le vidéaste, interrogé par le Bondy Blog, appelle explicitement à la violence contre les forces de l'ordre :

« La démocratie est bloquée […] on peut en effet la débloquer en gueulant un bon coup, en sortant dans la rue et en tabassant des flics ».

Pour Usul, un policier assassiné n'est ni plus ni moins qu'un accident du travail. « Il y a beaucoup plus de morts chez les routiers que chez les flics » relativise-t-il encore, avant de se lancer dans une explication socio-racialiste d'un corps de métier essentiellement composé de « jeunes Blancs de campagne, avec peu de diplôme et de qualification ». Dans une vidéo intitulée « Les flics (tout le monde déteste la police?) », postée le 28 septembre 2016, Usul opposait déjà sa conception « révolutionnaire » à celle « très très Charlie » de la police.

Face au tollé, Usul décide de répondre. Il choisit pour cela l'organe du Kremlin, RT France. Aucun mea culpa. Usul enfonce le clou et fustige une fois de plus « le sacré républicain » : « Je ne me suis jamais caché de ces opinions-là, ce n'est pas un dérapage, je le dis, je le théorise ».

Un combat paradoxal contre Soral

En 2014, cet ex-militant de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), qui se dit toujours communiste, quitte l'univers des jeux vidéo [1] pour revenir à ses premières amours... politiques. Comme nombre de chroniqueurs youtubeurs, il est impressionné par le succès des vidéos d'Alain Soral et frappé par l'emprise des idées de l'idéologue d'extrême droite sur ses amis. Dans son projet visant à inventer des outils critiques pour faire face au discours d'extrême droite, Usul est rejoint par d'autres youtubeurs pour réaliser des vidéos en commun. Ludovic Torbey, d'Osons Causer, en fait partie : « Osons Causer a amené un peu de renfort sur internet ! » explique Usul. Renfort ou confusion ? Également séduit par Alain Soral, tout en affirmant comme Usul le combattre, Ludovic Torbey ne voit par exemple « pas un micro de début de problème avec la blague de Dieudo » lorsque celui-ci proclame se sentir « Charlie Coulibaly ». Sur les réseaux sociaux, ce vidéaste qui donne du « cher collègue » au théoricien du complot Thierry Meyssan, relaie l'avocat de Dieudonné ou le prédicateur Tariq Ramadan. Il s'enthousiasme aussi, sur Twitter, pour les propos du polémiste « anti-impérialiste » belge Michel Collon qu’il découvre dans l'émission « Ce soir (ou jamais !) ».

Dans son entreprise consistant à nourrir une offre politique alternative à Soral et « une critique si possible fertile des discours dominants » (sic), Usul semble paradoxalement emprunter les mêmes chemins tortueux que ceux qu'il dit vouloir combattre.

Sur Radio Usul, le youtubeur et ses amis du Nesblog (blog des amoureux du jeu vidéo) ne tarissent pas d'éloges sur Soral : « Il a beaucoup de charme, beaucoup de charisme » dit l'un ; « il est très drôle » complète Usul. Seul grief à lui faire? L'inconstance de son discours et sa fâcheuse tendance à tout expliquer par le « complot juif ». Le public de Usul lui-même s'interroge sur ce qui distingue réellement les deux hommes. C'est à cette question que Usul répond, dans une autre émission :

« Soral va mettre le doigt très souvent sur des choses très justes. Y'a des choses avec lesquelles je suis complètement d'accord, notamment quand il dénonce la pensée unique, libérale. Il a complètement raison, sauf que lui, derrière, il plaque son roman avec des Juifs partout, avec un complot ».

Usul semble réellement conquis par le regard « anti-système » de Soral, mais écarte ses explications monocausales, trop simplistes à son goût. De son côté, Soral ne voit pas d'un mauvais œil le youtubeur politique, mais se désole de le savoir « acheté » par cette « officine trotskiste financée par l’oligarchie » (sic) que serait Mediapart, pour lequel Usul est devenu chroniqueur.

« J'ai pas mal de respect pour Marc-Edouard Nabe »

Usul flatte la nébuleuse identitaire, d'extrême gauche comme d'extrême droite. Il soutient les thèses décoloniales ouvertement racistes du Parti des Indigènes de la République (PIR), reprenant par exemple à son compte les propos d'Houria Bouteldja, porte-parole du PIR et soutien inconditionnel du Hamas : « C'est le reste de la société qu'il faut éduquer […] ce qu'on appelle nous les souchiens, les Blancs ». Usul semble paraphraser la militante indigéniste, dans une vidéo « La Polémiste Élisabeth Lévy » : « Il faut commencer à se taire, dit il, et écouter les non-Blancs, les lire et apprendre... ».

Marc-Edouard Nabe dans le magazine de Daech, "Dâr al-Islâm" (n°7, 30 novembre 2015)

Par ailleurs, il dédouane de tout antisémitisme l'écrivain d'extrême droite Marc-Edouard Nabe. « J'ai pas mal de respect pour Marc-Edouard Nabe » avoue-t-il, « s'il fait des blagues sur les Juifs, c'est parce qu'il est auteur », « la violence, c'est aussi la littérature ». Usul dit l'avoir « vu faire des choses assez extraordinaires » , comme aller voir des associations de musulmans évoluant dans la mouvance soralienne pour leur dire que « ce n'est pas tout de la faute des Juifs, il y a des problèmes sociaux... ». Usul a donc du « respect » pour un écrivain qui rêve d'une réconciliation entre Daech et Al-Qaïda « contre la Coalition » et fait l'apologie du terrorisme, de l’État islamique et de la décapitation, au point de voir les écrits de son magazine Patience repris dans un numéro de la revue Dâr al-Islâm de Daech (dix pleines pages dans le n°7 du magazine djihadiste !). Le 7 janvier 2015, lors d'un vernissage, Nabe exulte à l'annonce de chacun des morts de la rédaction de Charlie Hebdo. Il saute même de joie quand il apprend l'assassinat de Charb, « j'aurais vécu ça, ici avec vous » lançait ce proche de l'animateur Frédéric Taddéï [2], encore tout émoustillé. « Respect », en effet...

Le choix des intervenants dans les vidéos d'Usul [3] est aussi quelquefois surprenant : l'égérie des Journées de Retrait de l'Ecole (JRE), longtemps proche de Soral, Farida Belghoul par exemple, pour illustrer un simple propos sur SOS-Racisme. La forme choisie par Usul (l'humour, un montage très « cut », l'utilisation du second degré...) participe aussi du confusionnisme. Qui parle au juste ? L'image suggère ce que le vidéaste ne dit pas. Alors que Usul disserte par exemple sur la « liberté d'expression », des images de Dieudonné défilent. De même, la théoricienne du « féminisme islamique » Zahra Ali ou Tariq Ramadan apparaissent sur une voix off évoquant un islam « travaillé par un progressisme interne ».

Étienne Chouard ? « J'aime les gars qui pensent contre la doxa »

« Moi j'aime bien les gars qui réfléchissent et bousculent les idées reçues, qui pensent contre la doxa » dit Usul. Le youtubeur a trouvé en Étienne Chouard (lui-même admirateur de Meyssan, Soral et... Jacques Cheminade !) un homme « brillant » (sic). Au point qu'il le suit depuis 2011 et lui consacre en juillet 2014 une vidéo très élogieuse et documentée: « le citoyen Étienne Chouard ».

Capture d'écran d'une vidéo d'Usul consacrée à Etienne Chouard.

A l'instar de Chouard, Usul aime distiller une pensée du « tout se vaut ». De même que pour Chouard [4], l'extrême droite, les fascistes ce sont « les grands possédants, les industriels et les banquiers », Usul voit dans l'idéologie « du capital, des marchés et de ses acteurs » promue par Emmanuel Macron une « idéologie totalitaire ». « Pour les capitalistes, le fascisme a toujours été une tentation » explique-il dans « Le fascisme, c'est pas bien ». La vidéo, au titre explicitement ironique, vient comme en écho à une interview vidéo de Chouard « sur l'extrême droite et le fascisme ».

S'agit-il d'un coming-out soralien ? Certains de ses fans le pensent et l'en félicitent. Dès la publication, le vidéaste croule sous une avalanche de commentaires de soutien de l'extrême droite : « Ça pullulait de soraliens et de nationalistes » se souvient-il, visiblement surpris. Usul fait alors machine arrière. Il apporte un léger correctif à sa vidéo (vue près de 650 000 fois) qu'il maintient cependant en ligne : « Si Chouard n'est sans doute pas antisémite, il laisse beaucoup de portes ouvertes, et certainement pas les bonnes en cautionnant des idéologies intolérantes et contraires à l'idée d'une république égalitaire et progressiste ». Ahurissant euphémisme pour qualifier l'idéologie ouvertement « nationale-socialiste » d'Alain Soral - c'est ainsi que le polémiste se définit publiquement depuis 2013. Pour Usul, Chouard est surtout victime d'accusations assez similaires à celles qu'a connues Noam Chomsky lorsqu'il défendait la liberté d'expression du négationniste Robert Faurisson. Sur sa page Facebook, il reconnaît et regrette cependant, dans un éclair de lucidité, que Chouard « fricote activement avec Égalité & Réconciliation ».

Le complotiste, c'est l'autre.

Illustration d'une vidéo d'Usul consacrée à l'UPR.

Si par naïveté, ignorance ou passion anti-système il flirte bien souvent avec les extrêmes, Usul n'est pourtant pas une éponge à théories complotistes. Il décode même quelquefois assez bien les méthodes conspirationnistes. Il reconnaît ainsi que « le fond de commerce de l'UPR a beaucoup à voir avec le complotisme » puisque son président, François Asselineau, « se réfère essentiellement au caché, à la machination, à l'ennemi qui tire toutes les ficelles », généralement américain. Pourtant, il se fait quelquefois aussi le relais de rumeurs à teneur complotiste. Décrivant par exemple le prétendu alignement du quotidien Le Monde « sur la position de l'ambassade des États-Unis » (sic), il s'interroge : « Certains disent que l'ambassade des États-Unis a une taupe au Monde qui s'occupe de tout ce qui est politique internationale, c'est ce qui se dit, ce n'est pas absurde du tout ».

Très méfiant à l'égard des médias « mainstream » et ses « gratte-papiers et autres fouille-merde » auxquels il aime glisser des « saucisses » (allusion aux « quenelles » de Dieudonné et Soral), Usul s'oriente plus volontiers vers des sources d'information alternatives, très douteuses. Ainsi sur l’Ukraine, il conseille par exemple l'économiste chroniqueur de Russia Today Jacques Sapir. Il apprécie aussi le site écolo-confusionniste Reporterre (qui a notamment donné la parole à Jean Bricmont, Thierry Meyssan, Etienne Chouard, Michel Collon ou aux complotistes de ReOpen911). « On le sait, objectivement, la presse est hors de contrôle et ne semble plus être en état d'assumer sa contribution d'intérêt général au débat public » affirme-t-il, péremptoire, dans la vidéo « Ouvrez les guillemets : la presse et moi ». D'autant qu'elle constituerait selon lui une sorte de bloc monolithique et endogame : « A la télé ne s'exprime qu'une certaine frange de la population qui n'est pas la plus défavorisée […] un milieu homogène avec des gens qui se ressemblent, avec les mêmes savoir-faire, mêmes connaissances, mêmes réseaux... Je ne dis pas que ce sont des Juifs à la télé, ça c'est la version débile, la pente glissante vers laquelle tu peux aller »... Nous voilà rassurés.

 

Notes :

[1] Il lance avec succès, en 2008, 3615 USUL sur Dailymotion, et anime à partir de 2011 un blog sur jeuxvideo.com.

[2] Marc-Edouard Nabe et Frédéric Taddeï se connaissent de longue date. L'écrivain est d'ailleurs le parrain de l'un des enfants de l'animateur et ses livres ont régulièrement été présentés à « Ce soir (ou jamais !) » (CSOJ). A l'annonce d'une émission consacrée à l'affaire de l'interdiction du spectacle de Dieudonné M'Bala M'Bala le 10 janvier 2014, Frédéric Taddéï offrira à Nabe un dispositif sur mesure, sans aucun contradicteur, occasion inespérée de le faire passer pour une autorité morale et un indéfectible opposant de Dieudonné. Pour la troisième fois, et dans une autre partie de l'émission, Taddéï avait également invité ce soir-là – et aucun commentateur ne semble l'avoir relevé – le physicien et essayiste Jean Bricmont. Bricmont a entre autres participé à la conférence Axis for Peace organisée par Thierry Meyssan, milité pour la libération du négationniste Vincent Reynouard et signé la préface d'un livre de Gilad Atzmon qui pourrait sans peine figurer dans une anthologie de l'antisémitisme contemporain.

[3] Certaines vidéos de Usul sur Youtube se voient retirées pour non respect du droit d'auteur.

[4] Étienne Chouard se revendique à ce sujet de l'historien Henri Guillemin (que la sphère soralienne s'est récemment réapproprié et que Usul conseille d'écouter).

 

Mise à jour du 05/01/2018 (rectification) :
Une citation (« Moi, ma formation politique, c’est Alain Soral ») issue d’une interview vidéo d’Usul mise en ligne le 5 mai 2017, a été retirée du corps du texte. L’auteur a, de bonne foi, entendu Usul affirmer : « Moi, ma formation politique, c’est Alain Soral » (entre 0’32’’ et 0’42’’). Or, comme des internautes nous l’ont fait remarquer, en réécoutant attentivement la bande-son, il apparaît plus probable qu’Usul rapporte au style indirect ce qu’il entend parfois chez certaines personnes qu’il lui arrive de rencontrer. Le texte a été modifié en conséquence et nous présentons nos excuses à nos lecteurs pour cette erreur (La Rédaction).

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Tollé général sur les réseaux sociaux ! Fin décembre 2017, sur Twitter, une interview du youtubeur Usul refait surface. Le vidéaste, également chroniqueur sur Mediapart, appelle à « débloquer la démocratie » en « tabassant les flics ». Usul n'est pas seulement en guerre contre la « vision de la police très très Charlie » et ce qu'il appelle de façon plus générale la « mythologie républicaine ». Il semble aussi fasciné par la pensée « anti-système » d'Alain Soral et de ses compagnons idéologiques que, paradoxalement, il prétend combattre.

Usul interviewé sur RT France (capture d'écran)

Alors que Twitter durcit ses règles face aux « conduites haineuses », une interview récemment exhumée de Usul (datée de mai 2017) ne passe pas inaperçue. Le vidéaste, interrogé par le Bondy Blog, appelle explicitement à la violence contre les forces de l'ordre :

« La démocratie est bloquée […] on peut en effet la débloquer en gueulant un bon coup, en sortant dans la rue et en tabassant des flics ».

Pour Usul, un policier assassiné n'est ni plus ni moins qu'un accident du travail. « Il y a beaucoup plus de morts chez les routiers que chez les flics » relativise-t-il encore, avant de se lancer dans une explication socio-racialiste d'un corps de métier essentiellement composé de « jeunes Blancs de campagne, avec peu de diplôme et de qualification ». Dans une vidéo intitulée « Les flics (tout le monde déteste la police?) », postée le 28 septembre 2016, Usul opposait déjà sa conception « révolutionnaire » à celle « très très Charlie » de la police.

Face au tollé, Usul décide de répondre. Il choisit pour cela l'organe du Kremlin, RT France. Aucun mea culpa. Usul enfonce le clou et fustige une fois de plus « le sacré républicain » : « Je ne me suis jamais caché de ces opinions-là, ce n'est pas un dérapage, je le dis, je le théorise ».

Un combat paradoxal contre Soral

En 2014, cet ex-militant de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), qui se dit toujours communiste, quitte l'univers des jeux vidéo [1] pour revenir à ses premières amours... politiques. Comme nombre de chroniqueurs youtubeurs, il est impressionné par le succès des vidéos d'Alain Soral et frappé par l'emprise des idées de l'idéologue d'extrême droite sur ses amis. Dans son projet visant à inventer des outils critiques pour faire face au discours d'extrême droite, Usul est rejoint par d'autres youtubeurs pour réaliser des vidéos en commun. Ludovic Torbey, d'Osons Causer, en fait partie : « Osons Causer a amené un peu de renfort sur internet ! » explique Usul. Renfort ou confusion ? Également séduit par Alain Soral, tout en affirmant comme Usul le combattre, Ludovic Torbey ne voit par exemple « pas un micro de début de problème avec la blague de Dieudo » lorsque celui-ci proclame se sentir « Charlie Coulibaly ». Sur les réseaux sociaux, ce vidéaste qui donne du « cher collègue » au théoricien du complot Thierry Meyssan, relaie l'avocat de Dieudonné ou le prédicateur Tariq Ramadan. Il s'enthousiasme aussi, sur Twitter, pour les propos du polémiste « anti-impérialiste » belge Michel Collon qu’il découvre dans l'émission « Ce soir (ou jamais !) ».

Dans son entreprise consistant à nourrir une offre politique alternative à Soral et « une critique si possible fertile des discours dominants » (sic), Usul semble paradoxalement emprunter les mêmes chemins tortueux que ceux qu'il dit vouloir combattre.

Sur Radio Usul, le youtubeur et ses amis du Nesblog (blog des amoureux du jeu vidéo) ne tarissent pas d'éloges sur Soral : « Il a beaucoup de charme, beaucoup de charisme » dit l'un ; « il est très drôle » complète Usul. Seul grief à lui faire? L'inconstance de son discours et sa fâcheuse tendance à tout expliquer par le « complot juif ». Le public de Usul lui-même s'interroge sur ce qui distingue réellement les deux hommes. C'est à cette question que Usul répond, dans une autre émission :

« Soral va mettre le doigt très souvent sur des choses très justes. Y'a des choses avec lesquelles je suis complètement d'accord, notamment quand il dénonce la pensée unique, libérale. Il a complètement raison, sauf que lui, derrière, il plaque son roman avec des Juifs partout, avec un complot ».

Usul semble réellement conquis par le regard « anti-système » de Soral, mais écarte ses explications monocausales, trop simplistes à son goût. De son côté, Soral ne voit pas d'un mauvais œil le youtubeur politique, mais se désole de le savoir « acheté » par cette « officine trotskiste financée par l’oligarchie » (sic) que serait Mediapart, pour lequel Usul est devenu chroniqueur.

« J'ai pas mal de respect pour Marc-Edouard Nabe »

Usul flatte la nébuleuse identitaire, d'extrême gauche comme d'extrême droite. Il soutient les thèses décoloniales ouvertement racistes du Parti des Indigènes de la République (PIR), reprenant par exemple à son compte les propos d'Houria Bouteldja, porte-parole du PIR et soutien inconditionnel du Hamas : « C'est le reste de la société qu'il faut éduquer […] ce qu'on appelle nous les souchiens, les Blancs ». Usul semble paraphraser la militante indigéniste, dans une vidéo « La Polémiste Élisabeth Lévy » : « Il faut commencer à se taire, dit il, et écouter les non-Blancs, les lire et apprendre... ».

Marc-Edouard Nabe dans le magazine de Daech, "Dâr al-Islâm" (n°7, 30 novembre 2015)

Par ailleurs, il dédouane de tout antisémitisme l'écrivain d'extrême droite Marc-Edouard Nabe. « J'ai pas mal de respect pour Marc-Edouard Nabe » avoue-t-il, « s'il fait des blagues sur les Juifs, c'est parce qu'il est auteur », « la violence, c'est aussi la littérature ». Usul dit l'avoir « vu faire des choses assez extraordinaires » , comme aller voir des associations de musulmans évoluant dans la mouvance soralienne pour leur dire que « ce n'est pas tout de la faute des Juifs, il y a des problèmes sociaux... ». Usul a donc du « respect » pour un écrivain qui rêve d'une réconciliation entre Daech et Al-Qaïda « contre la Coalition » et fait l'apologie du terrorisme, de l’État islamique et de la décapitation, au point de voir les écrits de son magazine Patience repris dans un numéro de la revue Dâr al-Islâm de Daech (dix pleines pages dans le n°7 du magazine djihadiste !). Le 7 janvier 2015, lors d'un vernissage, Nabe exulte à l'annonce de chacun des morts de la rédaction de Charlie Hebdo. Il saute même de joie quand il apprend l'assassinat de Charb, « j'aurais vécu ça, ici avec vous » lançait ce proche de l'animateur Frédéric Taddéï [2], encore tout émoustillé. « Respect », en effet...

Le choix des intervenants dans les vidéos d'Usul [3] est aussi quelquefois surprenant : l'égérie des Journées de Retrait de l'Ecole (JRE), longtemps proche de Soral, Farida Belghoul par exemple, pour illustrer un simple propos sur SOS-Racisme. La forme choisie par Usul (l'humour, un montage très « cut », l'utilisation du second degré...) participe aussi du confusionnisme. Qui parle au juste ? L'image suggère ce que le vidéaste ne dit pas. Alors que Usul disserte par exemple sur la « liberté d'expression », des images de Dieudonné défilent. De même, la théoricienne du « féminisme islamique » Zahra Ali ou Tariq Ramadan apparaissent sur une voix off évoquant un islam « travaillé par un progressisme interne ».

Étienne Chouard ? « J'aime les gars qui pensent contre la doxa »

« Moi j'aime bien les gars qui réfléchissent et bousculent les idées reçues, qui pensent contre la doxa » dit Usul. Le youtubeur a trouvé en Étienne Chouard (lui-même admirateur de Meyssan, Soral et... Jacques Cheminade !) un homme « brillant » (sic). Au point qu'il le suit depuis 2011 et lui consacre en juillet 2014 une vidéo très élogieuse et documentée: « le citoyen Étienne Chouard ».

Capture d'écran d'une vidéo d'Usul consacrée à Etienne Chouard.

A l'instar de Chouard, Usul aime distiller une pensée du « tout se vaut ». De même que pour Chouard [4], l'extrême droite, les fascistes ce sont « les grands possédants, les industriels et les banquiers », Usul voit dans l'idéologie « du capital, des marchés et de ses acteurs » promue par Emmanuel Macron une « idéologie totalitaire ». « Pour les capitalistes, le fascisme a toujours été une tentation » explique-il dans « Le fascisme, c'est pas bien ». La vidéo, au titre explicitement ironique, vient comme en écho à une interview vidéo de Chouard « sur l'extrême droite et le fascisme ».

S'agit-il d'un coming-out soralien ? Certains de ses fans le pensent et l'en félicitent. Dès la publication, le vidéaste croule sous une avalanche de commentaires de soutien de l'extrême droite : « Ça pullulait de soraliens et de nationalistes » se souvient-il, visiblement surpris. Usul fait alors machine arrière. Il apporte un léger correctif à sa vidéo (vue près de 650 000 fois) qu'il maintient cependant en ligne : « Si Chouard n'est sans doute pas antisémite, il laisse beaucoup de portes ouvertes, et certainement pas les bonnes en cautionnant des idéologies intolérantes et contraires à l'idée d'une république égalitaire et progressiste ». Ahurissant euphémisme pour qualifier l'idéologie ouvertement « nationale-socialiste » d'Alain Soral - c'est ainsi que le polémiste se définit publiquement depuis 2013. Pour Usul, Chouard est surtout victime d'accusations assez similaires à celles qu'a connues Noam Chomsky lorsqu'il défendait la liberté d'expression du négationniste Robert Faurisson. Sur sa page Facebook, il reconnaît et regrette cependant, dans un éclair de lucidité, que Chouard « fricote activement avec Égalité & Réconciliation ».

Le complotiste, c'est l'autre.

Illustration d'une vidéo d'Usul consacrée à l'UPR.

Si par naïveté, ignorance ou passion anti-système il flirte bien souvent avec les extrêmes, Usul n'est pourtant pas une éponge à théories complotistes. Il décode même quelquefois assez bien les méthodes conspirationnistes. Il reconnaît ainsi que « le fond de commerce de l'UPR a beaucoup à voir avec le complotisme » puisque son président, François Asselineau, « se réfère essentiellement au caché, à la machination, à l'ennemi qui tire toutes les ficelles », généralement américain. Pourtant, il se fait quelquefois aussi le relais de rumeurs à teneur complotiste. Décrivant par exemple le prétendu alignement du quotidien Le Monde « sur la position de l'ambassade des États-Unis » (sic), il s'interroge : « Certains disent que l'ambassade des États-Unis a une taupe au Monde qui s'occupe de tout ce qui est politique internationale, c'est ce qui se dit, ce n'est pas absurde du tout ».

Très méfiant à l'égard des médias « mainstream » et ses « gratte-papiers et autres fouille-merde » auxquels il aime glisser des « saucisses » (allusion aux « quenelles » de Dieudonné et Soral), Usul s'oriente plus volontiers vers des sources d'information alternatives, très douteuses. Ainsi sur l’Ukraine, il conseille par exemple l'économiste chroniqueur de Russia Today Jacques Sapir. Il apprécie aussi le site écolo-confusionniste Reporterre (qui a notamment donné la parole à Jean Bricmont, Thierry Meyssan, Etienne Chouard, Michel Collon ou aux complotistes de ReOpen911). « On le sait, objectivement, la presse est hors de contrôle et ne semble plus être en état d'assumer sa contribution d'intérêt général au débat public » affirme-t-il, péremptoire, dans la vidéo « Ouvrez les guillemets : la presse et moi ». D'autant qu'elle constituerait selon lui une sorte de bloc monolithique et endogame : « A la télé ne s'exprime qu'une certaine frange de la population qui n'est pas la plus défavorisée […] un milieu homogène avec des gens qui se ressemblent, avec les mêmes savoir-faire, mêmes connaissances, mêmes réseaux... Je ne dis pas que ce sont des Juifs à la télé, ça c'est la version débile, la pente glissante vers laquelle tu peux aller »... Nous voilà rassurés.

 

Notes :

[1] Il lance avec succès, en 2008, 3615 USUL sur Dailymotion, et anime à partir de 2011 un blog sur jeuxvideo.com.

[2] Marc-Edouard Nabe et Frédéric Taddeï se connaissent de longue date. L'écrivain est d'ailleurs le parrain de l'un des enfants de l'animateur et ses livres ont régulièrement été présentés à « Ce soir (ou jamais !) » (CSOJ). A l'annonce d'une émission consacrée à l'affaire de l'interdiction du spectacle de Dieudonné M'Bala M'Bala le 10 janvier 2014, Frédéric Taddéï offrira à Nabe un dispositif sur mesure, sans aucun contradicteur, occasion inespérée de le faire passer pour une autorité morale et un indéfectible opposant de Dieudonné. Pour la troisième fois, et dans une autre partie de l'émission, Taddéï avait également invité ce soir-là – et aucun commentateur ne semble l'avoir relevé – le physicien et essayiste Jean Bricmont. Bricmont a entre autres participé à la conférence Axis for Peace organisée par Thierry Meyssan, milité pour la libération du négationniste Vincent Reynouard et signé la préface d'un livre de Gilad Atzmon qui pourrait sans peine figurer dans une anthologie de l'antisémitisme contemporain.

[3] Certaines vidéos de Usul sur Youtube se voient retirées pour non respect du droit d'auteur.

[4] Étienne Chouard se revendique à ce sujet de l'historien Henri Guillemin (que la sphère soralienne s'est récemment réapproprié et que Usul conseille d'écouter).

 

Mise à jour du 05/01/2018 (rectification) :
Une citation (« Moi, ma formation politique, c’est Alain Soral ») issue d’une interview vidéo d’Usul mise en ligne le 5 mai 2017, a été retirée du corps du texte. L’auteur a, de bonne foi, entendu Usul affirmer : « Moi, ma formation politique, c’est Alain Soral » (entre 0’32’’ et 0’42’’). Or, comme des internautes nous l’ont fait remarquer, en réécoutant attentivement la bande-son, il apparaît plus probable qu’Usul rapporte au style indirect ce qu’il entend parfois chez certaines personnes qu’il lui arrive de rencontrer. Le texte a été modifié en conséquence et nous présentons nos excuses à nos lecteurs pour cette erreur (La Rédaction).

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