Conspiracy Watch | l'Observatoire du conspirationnisme
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Valdez Onanina : « L'Afrique francophone est devenue le champ de bataille d’une vraie guerre informationnelle »

Entretien avec Valdez Onanina, rédacteur en chef du service francophone d'Africa Check, sur la question de la désinformation en Afrique.

Montage CW.

Créée en 2012, Africa Check est la première organisation indépendante de vérification des faits basée en Afrique, avec un bureau basé à Dakar, au Sénégal, qui couvre l'Afrique francophone, ainsi que trois autres bureaux en Afrique anglophone. Engagée dans la lutte contre la désinformation, Africa Check se spécialise dans le fact-checking et l’éducation aux médias. Elle a notamment formé plusieurs centaines de journalistes à travers le continent et se trouve être l'une des organisations partenaires du système de fact-checking par des tiers de Meta, dont Mark Zuckerberg a récemment annoncé la fin.

Conspiracy Watch : Peut-on dire que le phénomène de désinformation s’est amplifié en Afrique de l’Ouest francophone cette dernière décennie ?

Valdez Onanina : Oui, à cause des réseaux sociaux évidemment. Beaucoup plus de gens en Afrique ont accès à Internet qu’il y a dix ans, donc forcément plus accès à l’information autant qu’à la désinformation. Il y a maintenant le défi de l'intelligence artificielle aussi qui arrive, mais également une montée des populismes dans certaines zones de l’Afrique francophone, comme au Sahel, avec une propagande autour des enjeux géopolitiques qui peut installer un terreau assez propice à la désinformation.

CW : Votre travail permet-il de contrer cette tendance ?

VO : Notre travail vise à renforcer la démocratie par la transparence du débat public. Le fact-checking est arrivé à un bon moment parce qu’en Afrique francophone, les personnalités politiques notamment n'avaient pas trop l'habitude que leur discours soient remis en cause. Même si l'impact que l'on souhaite n'est pas encore atteint, je pense qu’un certain changement est en train de s'amorcer. Le public africain aujourd'hui est plus au courant qu’il existe cette nouvelle approche journalistique et il en comprend les enjeux. Pour moi, d’une certaine manière, il a gagné en maturité en termes de consommation de l’info. Prenons l'exemple de l'élection présidentielle au Sénégal, il y a quelques mois, période souvent propice à la circulation de fausses informations. Là, on a eu un public très vigilant, qui nous contactait pour vérifier certains contenus, certaines déclarations, et qui arrivait même à déconstruire par lui-même certaines infox.

CW : Êtes-vous confronté à des infox autour du thème de la santé ?

VO : En Afrique, la santé est un enjeu important, sur lequel on constate de manière très palpable l'impact que peut avoir la désinformation. Surtout qu’on est quand même sur un continent où la plupart des gens n'ont pas forcément les moyens de se soigner ou d’accéder aux vaccins. Il y a aussi le grand défi de la médication « traditionnelle » ou « alternative », avec tout un tas de recettes miracles auxquelles beaucoup de gens croient. Il faut savoir qu’Africa Check a justement été fondé après que de la désinformation sur les vaccins contre la polio a largement circulé au Nigeria : dans les années 2000, le Nigeria était en train d’éradiquer la polio, et des rumeurs colportées par des responsables religieux du nord du pays affirmaient que le vaccin pouvait rendre stérile les femmes. Du coup, beaucoup ont arrêté de faire vacciner leurs enfants, ce qui a entraîné une résurgence des cas de polio dans le nord du Nigeria et il a fallu près de vingt années supplémentaires à un pays qui était à deux doigts d'éradiquer cette maladie pour rattraper tout ça. Il n’y a rien de plus concret quand on veut illustrer la désinformation que ses conséquences sur la santé.

CW : Y a-t-il eu un avant et un après Covid-19 ?

VO : Comme partout dans le monde, pas mal de personnes en Afrique ont été très réticentes par rapport à la vaccination, sans avoir de preuve concrète. J'ai quand même envie de dire que les efforts qui ont été faits ont pu être payants : au Sénégal par exemple, le ministère de la Santé a convoqué tous les acteurs du champ informationnel pour dresser une stratégie nationale contre la désinformation. Les leaders d'opinion se sont impliqués et je crois que ça a permis à beaucoup de gens d'être plus réceptifs à la vaccination. En fait, c'est avec le Covid qu’on a vraiment commencé à poser la question de la désinformation dans le débat public, y compris au niveau des organisations internationales. Paradoxalement, le Covid aura donc été presque bénéfique au travail que nous faisons, en amenant cette prise de conscience des dangers de la désinformation.

Valdez Onanina (crédits : Kevya Mpele/Africa Check).

CW : Dans plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’ouest, des rumeurs autour de prétendus voleurs de sexe ont pu susciter des flambées de violence. Existe-t-il d’autres cas similaires ?

VO : Oui, malheureusement, il y a pas mal d'exemples. On a eu un cas très concret, il y a quelques années, où une vidéo avait circulé montrant soi-disant des Ivoiriens passés à tabac par des hommes armés au Niger. Une influenceuse ivoirienne a partagé cette fausse information sur Facebook, entraînant des rixes dans Abidjan contre des ressortissants nigériens, dans lesquelles un Nigérien a même trouvé la mort. En réalité, la vidéo en question avait été tournée au Nigeria et montrait les forces de l’ordre nigérianes tabassant des membres suspectés de Boko Haram (organisation djihadiste sévissant dans la région − NDLR). C’est assez effrayant, car ce genre de phénomène est loin d’être isolé sur le continent.

CW : On a beaucoup parlé de la désinformation russe en Afrique et en Afrique francophone tout particulièrement. Qu’en pensez-vous ? 

VO : Je pense qu’on en a sûrement un peu trop fait sur cette question. Oui les Russes font de la désinformation, principalement dans le cadre de leur offensive sur le Sahel, c'est documenté, je serais le dernier à le nier ou le minimiser. Ils s’appuient notamment sur des influenceurs, que certains vont jusqu’à qualifier de « supplétifs russes », qui publient à longueur de journée des contenus laudatifs sur la Russie, qui cherchent à asseoir la présence russe dans l'imaginaire collectif. Seulement, en ne parlant que des Russes, on donne l'impression qu’ils sont les seuls. On oublie qu’il y a d’autres acteurs comme les Chinois, les Américains, parfois les Français, qui ont pu mener aussi des activités de désinformation sur le continent. Emmanuel Macron a d’ailleurs appelé dans un discours il y a quelques temps à ce que les médias français cherchent à mieux diffuser le narratif de la France en Afrique. On a essayé, avec un chercheur français, de dresser justement l’ébauche d’un panel plus large des acteurs de la désinformation à travers le continent. La vérité c'est que l'Afrique francophone est devenue le champ de bataille d’une vraie guerre informationnelle. Les nouveaux enjeux géopolitiques de ces dernières années, dans un contexte où les pays du Sahel changent de partenaires, ont fait de l’information un point clé dans les stratégies d'influence géopolitique. La Russie est particulièrement visible là-dedans parce qu’elle est en train de mener une nouvelle offensive en Afrique.

CW : Quel est le poids et l’audience d’influenceurs radicaux comme Kemi Seba ou Nathalie Yamb par exemple ?

VO : Ce sont des personnalités très influentes, parfois même plus que certains hommes politiques. Et leur influence ne fait que grandir : sur leurs plateformes de réseaux sociaux, ils engrangent, tous les jours, des centaines de nouveaux abonnés. Ils sont maintenant reçus par les très populaires présidents des pays de l’AES (Alliance des États du Sahel, organisation formée récemment par les gouvernements militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger − NDLR), ce qui augmente leur notoriété. Kemi Seba vient par exemple d’afficher son intention de se présenter pour la présidentielle au Bénin. L’erreur qu'on fait trop souvent selon moi, c'est qu'on passe plus de temps à se moquer d’eux qu’à essayer d’argumenter contre.

CW : Quel est le cœur de leur discours ?

VO : Ces influenceurs s’opposent à la France, mais surtout à certains dirigeants africains, qu’ils considèrent à la botte des puissances occidentales, comme Alassane Ouattara, le président de la Côte d’Ivoire. Les attaques sont violentes et créent parfois des tensions entre Africains : vous avez par exemple le professeur Franklin Nyamsi, un Camerounais, très actif depuis la France, qui a beaucoup attaqué l’ex-président sénégalais Macky Sall, ce qui a été très mal accepté par une partie des Sénégalais. L’un des principaux griefs qu’ils font à la France, c’est qu’elle soutiendrait en sous-main les djihadistes au Sahel. Alors souvent, nous sommes arrivés à vérifier des contenus qui étaient faux, par exemple les images d’une prétendue cache d’armes de l'armée française, qui étaient en fait vieilles de dix ans et mises hors contexte. Mais ces accusations sont aujourd’hui très répandues et gagnent véritablement du terrain dans la population. Elles ont même parfois pu déteindre sur certaines organisations internationales, à leur tour accusées de faciliter la pénétration des terroristes.

CW : Où en est-on des polémiques autour du franc CFA, monnaie commune d’une partie de l’Afrique, qui avaient permis à Kemi Seba de se faire plus connaître en Afrique ?

VO : Le sujet de la souveraineté monétaire africaine reste présent, mais moins brûlant qu’il y a quelques années, quand Kemi Seba s’était focalisé dessus. Il y a eu cette question de l’Eco (projet de nouvelle monnaie commune africaine − NDLR) mais on n’a pas eu de suite très claire de la part des gouvernements. Il faut reconnaître que ces influenceurs ont au moins permis de mettre la lumière sur le sujet du franc CFA. Après, évidemment, il colporte son lot de fausses nouvelles : je discutais encore récemment avec un Sierraléonais (citoyen de la Sierra Leone, pays anglophone d’Afrique de l’ouest − NDLR) qui me disait : « vous, les Francophones, tout votre argent est gardé à la Banque de France », reprenant cette vieille rumeur qui prétend que les Africains paient un impôt régulier à la France pour qu’elle garde notre monnaie sur son territoire. Elle se base sur un vague fonds de vérité en fait, puisqu’une partie des ressources africaines sont bien conservées à la Banque de France. Justement, je ne suis pas diplomate, mais je pense que sur cette question monétaire comme sur celle de son prétendu soutien aux djihadistes, la France devrait être plus transparente si elle veut rétablir une certaine vérité. Elle devrait faire un plus grand effort de communication. Les Français se plaignent d’être victimes de désinformation en Afrique, mais n’apportent pas suffisamment d’explications pour la déconstruire : en l'absence d’explications, la désinformation trouve un terreau fertile, c’est mathématique.

 

* Propos recueillis par Martin Beraud.

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Montage CW.

Créée en 2012, Africa Check est la première organisation indépendante de vérification des faits basée en Afrique, avec un bureau basé à Dakar, au Sénégal, qui couvre l'Afrique francophone, ainsi que trois autres bureaux en Afrique anglophone. Engagée dans la lutte contre la désinformation, Africa Check se spécialise dans le fact-checking et l’éducation aux médias. Elle a notamment formé plusieurs centaines de journalistes à travers le continent et se trouve être l'une des organisations partenaires du système de fact-checking par des tiers de Meta, dont Mark Zuckerberg a récemment annoncé la fin.

Conspiracy Watch : Peut-on dire que le phénomène de désinformation s’est amplifié en Afrique de l’Ouest francophone cette dernière décennie ?

Valdez Onanina : Oui, à cause des réseaux sociaux évidemment. Beaucoup plus de gens en Afrique ont accès à Internet qu’il y a dix ans, donc forcément plus accès à l’information autant qu’à la désinformation. Il y a maintenant le défi de l'intelligence artificielle aussi qui arrive, mais également une montée des populismes dans certaines zones de l’Afrique francophone, comme au Sahel, avec une propagande autour des enjeux géopolitiques qui peut installer un terreau assez propice à la désinformation.

CW : Votre travail permet-il de contrer cette tendance ?

VO : Notre travail vise à renforcer la démocratie par la transparence du débat public. Le fact-checking est arrivé à un bon moment parce qu’en Afrique francophone, les personnalités politiques notamment n'avaient pas trop l'habitude que leur discours soient remis en cause. Même si l'impact que l'on souhaite n'est pas encore atteint, je pense qu’un certain changement est en train de s'amorcer. Le public africain aujourd'hui est plus au courant qu’il existe cette nouvelle approche journalistique et il en comprend les enjeux. Pour moi, d’une certaine manière, il a gagné en maturité en termes de consommation de l’info. Prenons l'exemple de l'élection présidentielle au Sénégal, il y a quelques mois, période souvent propice à la circulation de fausses informations. Là, on a eu un public très vigilant, qui nous contactait pour vérifier certains contenus, certaines déclarations, et qui arrivait même à déconstruire par lui-même certaines infox.

CW : Êtes-vous confronté à des infox autour du thème de la santé ?

VO : En Afrique, la santé est un enjeu important, sur lequel on constate de manière très palpable l'impact que peut avoir la désinformation. Surtout qu’on est quand même sur un continent où la plupart des gens n'ont pas forcément les moyens de se soigner ou d’accéder aux vaccins. Il y a aussi le grand défi de la médication « traditionnelle » ou « alternative », avec tout un tas de recettes miracles auxquelles beaucoup de gens croient. Il faut savoir qu’Africa Check a justement été fondé après que de la désinformation sur les vaccins contre la polio a largement circulé au Nigeria : dans les années 2000, le Nigeria était en train d’éradiquer la polio, et des rumeurs colportées par des responsables religieux du nord du pays affirmaient que le vaccin pouvait rendre stérile les femmes. Du coup, beaucoup ont arrêté de faire vacciner leurs enfants, ce qui a entraîné une résurgence des cas de polio dans le nord du Nigeria et il a fallu près de vingt années supplémentaires à un pays qui était à deux doigts d'éradiquer cette maladie pour rattraper tout ça. Il n’y a rien de plus concret quand on veut illustrer la désinformation que ses conséquences sur la santé.

CW : Y a-t-il eu un avant et un après Covid-19 ?

VO : Comme partout dans le monde, pas mal de personnes en Afrique ont été très réticentes par rapport à la vaccination, sans avoir de preuve concrète. J'ai quand même envie de dire que les efforts qui ont été faits ont pu être payants : au Sénégal par exemple, le ministère de la Santé a convoqué tous les acteurs du champ informationnel pour dresser une stratégie nationale contre la désinformation. Les leaders d'opinion se sont impliqués et je crois que ça a permis à beaucoup de gens d'être plus réceptifs à la vaccination. En fait, c'est avec le Covid qu’on a vraiment commencé à poser la question de la désinformation dans le débat public, y compris au niveau des organisations internationales. Paradoxalement, le Covid aura donc été presque bénéfique au travail que nous faisons, en amenant cette prise de conscience des dangers de la désinformation.

Valdez Onanina (crédits : Kevya Mpele/Africa Check).

CW : Dans plusieurs pays d’Afrique centrale et de l’ouest, des rumeurs autour de prétendus voleurs de sexe ont pu susciter des flambées de violence. Existe-t-il d’autres cas similaires ?

VO : Oui, malheureusement, il y a pas mal d'exemples. On a eu un cas très concret, il y a quelques années, où une vidéo avait circulé montrant soi-disant des Ivoiriens passés à tabac par des hommes armés au Niger. Une influenceuse ivoirienne a partagé cette fausse information sur Facebook, entraînant des rixes dans Abidjan contre des ressortissants nigériens, dans lesquelles un Nigérien a même trouvé la mort. En réalité, la vidéo en question avait été tournée au Nigeria et montrait les forces de l’ordre nigérianes tabassant des membres suspectés de Boko Haram (organisation djihadiste sévissant dans la région − NDLR). C’est assez effrayant, car ce genre de phénomène est loin d’être isolé sur le continent.

CW : On a beaucoup parlé de la désinformation russe en Afrique et en Afrique francophone tout particulièrement. Qu’en pensez-vous ? 

VO : Je pense qu’on en a sûrement un peu trop fait sur cette question. Oui les Russes font de la désinformation, principalement dans le cadre de leur offensive sur le Sahel, c'est documenté, je serais le dernier à le nier ou le minimiser. Ils s’appuient notamment sur des influenceurs, que certains vont jusqu’à qualifier de « supplétifs russes », qui publient à longueur de journée des contenus laudatifs sur la Russie, qui cherchent à asseoir la présence russe dans l'imaginaire collectif. Seulement, en ne parlant que des Russes, on donne l'impression qu’ils sont les seuls. On oublie qu’il y a d’autres acteurs comme les Chinois, les Américains, parfois les Français, qui ont pu mener aussi des activités de désinformation sur le continent. Emmanuel Macron a d’ailleurs appelé dans un discours il y a quelques temps à ce que les médias français cherchent à mieux diffuser le narratif de la France en Afrique. On a essayé, avec un chercheur français, de dresser justement l’ébauche d’un panel plus large des acteurs de la désinformation à travers le continent. La vérité c'est que l'Afrique francophone est devenue le champ de bataille d’une vraie guerre informationnelle. Les nouveaux enjeux géopolitiques de ces dernières années, dans un contexte où les pays du Sahel changent de partenaires, ont fait de l’information un point clé dans les stratégies d'influence géopolitique. La Russie est particulièrement visible là-dedans parce qu’elle est en train de mener une nouvelle offensive en Afrique.

CW : Quel est le poids et l’audience d’influenceurs radicaux comme Kemi Seba ou Nathalie Yamb par exemple ?

VO : Ce sont des personnalités très influentes, parfois même plus que certains hommes politiques. Et leur influence ne fait que grandir : sur leurs plateformes de réseaux sociaux, ils engrangent, tous les jours, des centaines de nouveaux abonnés. Ils sont maintenant reçus par les très populaires présidents des pays de l’AES (Alliance des États du Sahel, organisation formée récemment par les gouvernements militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger − NDLR), ce qui augmente leur notoriété. Kemi Seba vient par exemple d’afficher son intention de se présenter pour la présidentielle au Bénin. L’erreur qu'on fait trop souvent selon moi, c'est qu'on passe plus de temps à se moquer d’eux qu’à essayer d’argumenter contre.

CW : Quel est le cœur de leur discours ?

VO : Ces influenceurs s’opposent à la France, mais surtout à certains dirigeants africains, qu’ils considèrent à la botte des puissances occidentales, comme Alassane Ouattara, le président de la Côte d’Ivoire. Les attaques sont violentes et créent parfois des tensions entre Africains : vous avez par exemple le professeur Franklin Nyamsi, un Camerounais, très actif depuis la France, qui a beaucoup attaqué l’ex-président sénégalais Macky Sall, ce qui a été très mal accepté par une partie des Sénégalais. L’un des principaux griefs qu’ils font à la France, c’est qu’elle soutiendrait en sous-main les djihadistes au Sahel. Alors souvent, nous sommes arrivés à vérifier des contenus qui étaient faux, par exemple les images d’une prétendue cache d’armes de l'armée française, qui étaient en fait vieilles de dix ans et mises hors contexte. Mais ces accusations sont aujourd’hui très répandues et gagnent véritablement du terrain dans la population. Elles ont même parfois pu déteindre sur certaines organisations internationales, à leur tour accusées de faciliter la pénétration des terroristes.

CW : Où en est-on des polémiques autour du franc CFA, monnaie commune d’une partie de l’Afrique, qui avaient permis à Kemi Seba de se faire plus connaître en Afrique ?

VO : Le sujet de la souveraineté monétaire africaine reste présent, mais moins brûlant qu’il y a quelques années, quand Kemi Seba s’était focalisé dessus. Il y a eu cette question de l’Eco (projet de nouvelle monnaie commune africaine − NDLR) mais on n’a pas eu de suite très claire de la part des gouvernements. Il faut reconnaître que ces influenceurs ont au moins permis de mettre la lumière sur le sujet du franc CFA. Après, évidemment, il colporte son lot de fausses nouvelles : je discutais encore récemment avec un Sierraléonais (citoyen de la Sierra Leone, pays anglophone d’Afrique de l’ouest − NDLR) qui me disait : « vous, les Francophones, tout votre argent est gardé à la Banque de France », reprenant cette vieille rumeur qui prétend que les Africains paient un impôt régulier à la France pour qu’elle garde notre monnaie sur son territoire. Elle se base sur un vague fonds de vérité en fait, puisqu’une partie des ressources africaines sont bien conservées à la Banque de France. Justement, je ne suis pas diplomate, mais je pense que sur cette question monétaire comme sur celle de son prétendu soutien aux djihadistes, la France devrait être plus transparente si elle veut rétablir une certaine vérité. Elle devrait faire un plus grand effort de communication. Les Français se plaignent d’être victimes de désinformation en Afrique, mais n’apportent pas suffisamment d’explications pour la déconstruire : en l'absence d’explications, la désinformation trouve un terreau fertile, c’est mathématique.

 

* Propos recueillis par Martin Beraud.

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