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Yves Pozzo di Borgo : un ex-sénateur complotiste au service de la propagande russe

Publié par Élie Guckert11 avril 2022,

Après avoir diffusé des théories du complot sur le Covid-19, l’ancien sénateur Yves Pozzo di Borgo est revenu à son discours originel à l’occasion de l’invasion de l’Ukraine en relayant la propagande du Kremlin.

L’ex-sénateur Yves Pozzo di Borgo s’exprimait à propos de l’Ukraine sur FranceSoir le 25 mars dernier (capture d'écran).

Et si le massacre de Boutcha en Ukraine n’avait pas été commis par l’armée russe, mais par les services de renseignement britanniques ? Ou pourquoi pas par « les milices Azov », du nom du bataillon ultra-nationaliste ukrainien ? Et si l’armée ukrainienne n’était en fait qu’une coalition de combattants d’Azov et de « corps d’élites anglais (SAS) US ou autres djihadistes » ? Ces trésors d’imagination sont déployés par un ancien sénateur français pour mettre en doute le fait – d’ores-et-déjà abondamment documenté – que l’armée russe a bien assassiné de nombreux civils autour de la capitale ukrainienne.

Depuis le début de l’invasion de l'Ukraine, Yves Pozzo di Borgo, sénateur UDI de 2004 à 2017, se charge de relayer l’essentiel des arguments du Kremlin pour justifier son agression militaire. Il partage à ses abonnés sur Twitter les publications de l’ambassade de Russie en France, dont les outrances ont déclenché les protestations officielles du ministère français des Affaires étrangères. Le compte de l’ambassade rend même parfois la politesse à l’ex-sénateur en relayant ses propres tweets.

Une coopération qui semble payer. Le compte d’Yves Pozzo di Borgo étant passé de 55 000 followers début mars à presque 61 000 début avril. Il est même sorti de sa confidentialité grâce à une invitation dans l’émission d’André Bercoff, sur Sud Radio, le 28 février, en compagnie de Slobodan Despot, proche des milieux identitaires et russophiles et animateur du site de « réinformation » Antipresse. Une audience française inespérée pour le Kremlin alors qu’il ne peut plus compter sur ses relais traditionnels, RT France et Sputnik, cibles des sanctions de l’Union européenne.

L’ancien sénateur nous apprend donc que l’Ukraine serait « une plaque tournante du trafic international d'enfants » ; que les Américains auraient mis la main sur « toutes les structures étatiques et militaires de l’Ukraine depuis 2014 et même avant » ; que les fixeurs des journalistes français en Ukraine seraient « tous tenus par le SBU [les services de sécurité ukrainiens] ». Des théories du complot sur la guerre en Ukraine publiées à un rythme frénétique qui côtoient autant de fictions sur les vaccins contre le Covid-19 qui seraient « à l’origine d’une forme de SIDA ».

Piqûre de rappel

Yves Pozzo di Borgo se fait le porte-voix des théories complotistes les plus folles, et le relais des sites conspirationnistes les plus toxiques, depuis longtemps déjà. Macron aurait-il encore des liens avec la banque Rothschild, s’interroge-t-il par exemple en février 2019 en partageant un article de Nouvelordremondial.cc, l’un des sites les plus consultés de la complosphère francophone qui se présente comme une « plateforme de réflexions et de théories controversées sur le nouvel ordre mondial, les ovnis, le paranormal, la société ».

Le site n’en est pas moins une des sources favorites de l’ancien sénateur. Tout comme Planetes360, un site français d’extrême droite qui diffuse des contenus à caractère conspirationniste notamment sur la pandémie de Covid-19. Ou Le Courrier des Stratèges, blog animé par Éric Verhaeghe qui se demandait récemment si Emmanuel Macron allait envoyer les non vaccinés « dans des camps ». Ou encore Réseau Voltaire, le site de l'auteur complotiste français Thierry Meyssan. En fait, c’est tout l’écosystème complotiste français qui y passe, ainsi que ses obsessions les plus classiques : l’État profond, Rothschild, l’Islam ou encore le milliardaire juif américain George Soros.

Avant que les chars russes ne partent à l’assaut de Kiev, Yves Pozzo di Borgo est devenu l'une des figures de la sphère dite « covidosceptique ». Le 23 janvier dernier, il s’appuie sur un article du site Qactus, relai français de la mouvance complotiste américaine QAnon, pour alerter sur une « Prochaine Fausse Pandémie enclenchée après la fausse accalmie du pass sanitaire ». Le 10 mars, il présente « les nouvelles révélation choc d'Alexandra Henrion-Caude », généticienne covido-conspirationniste à qui l’on doit le charmant concept des « amourons ». Le 14 mars il partage un article de FranceSoir, vaisseau amiral de la sphère covido-sceptique française. Il y est d’ailleurs invité le 25 mars, cette fois pour parler de l’Ukraine, ou plutôt pour « remettre l’histoire au centre du village » (sic). Le site a été épinglé comme le relai de désinformation le plus influent en France en 2021 par NewsGuard.

Pendant la pandémie, l’ex-sénateur laissait déjà entrevoir son tropisme pro-Kremlin. Il y a un an, il affirmait que le vaccin russe Spoutnik V serait le meilleur des cinq vaccins analysés par la Hongrie. La source ? Le média d’État russe Sputnik. Apparemment suffisant pour réclamer, à l’unisson de Moscou, que le Spoutnik V soit intégré au pass sanitaire en Europe. L’invasion de l’Ukraine n’a été que l’occasion d’un retour aux sources.

Bons baisers de Crimée

Dès 2015, alors encore vice-président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, il s’était fait remarquer en participant avec Thierry Mariani, Nicolas Dhuicq ou encore Jacques Myard, au premier voyage diplomatique en Crimée après son annexion par la Russie.

Une ballade en territoire sous occupation illégale organisée par l’association Dialogue Franco-Russe, officine d’influence du Kremlin co-présidée par Thierry Mariani et Sergueï Katasonov, député de la Douma, le parlement russe, jusqu’en 2021 et membre du Parti Libéral démocrate de Russie (LDPR). Une formation politique ultra-nationaliste, ultra-conservatrice, et dont le fondateur, Vladimir Jirinovski, décédé il y a quelques jours, rêvait de « brûler Paris » et d’« atomiser Berlin ». Fin décembre, il réclamait le bombardement de Kiev.

Le but du voyage : légitimer le coup de force du Kremlin. « La Crimée est russe », affirme alors Thierry Mariani. Yves Pozzo di Borgo en avait quant à lui profité pour poser tout sourire avec un tee-shirt où l’on pouvait voir Poutine dire en russe à Barack Obama : « tu es un couillon ».

L’année précédente, Yves Pozzo di Borgo faisait déjà partie de ces politiques français – en compagnie de Jacques Myard mais aussi de Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Pierre Chevènement – venus écouter Sergueï Narychkine, président de la Douma pourtant interdit de séjour en France. Une rencontre organisée à l’ambassade de Russie, là encore par le Dialogue Franco-Russe, et couverte en exclusivité par la chaîne d’extrême droite TV Libertés.

Plus récemment, le 11 février, rebelote au Sénat avec une conférence organisée par Oleg Volochine, député d’opposition ukrainien accusé par Washington et Kiev de participer à des opérations de déstabilisation au bénéfice de la Russie. D’après Le Parisien, Yves Pozzo di Borgo est une fois de plus présent à cette rencontre. Deux semaines avant l’invasion de l’Ukraine.

Interrogé par Le Monde au sujet de ses positions sur la guerre en Ukraine, l’ancien sénateur, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations, répondait : « Si je réagis sur Twitter c’est parce que j’ai été énervé par le narratif des médias mainstream, souvent au détriment de la réalité que j’avais perçue ». Il semble en effet s’informer ailleurs. En accusant le 4 avril les renseignements britanniques d’être responsables du massacre de Boutcha, Yves Pozzo di Borgo racontait en fait exactement la même chose que l’invité d’une émission diffusée un peu plus tôt à la télévision d’État russe.

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L’ex-sénateur Yves Pozzo di Borgo s’exprimait à propos de l’Ukraine sur FranceSoir le 25 mars dernier (capture d'écran).

Et si le massacre de Boutcha en Ukraine n’avait pas été commis par l’armée russe, mais par les services de renseignement britanniques ? Ou pourquoi pas par « les milices Azov », du nom du bataillon ultra-nationaliste ukrainien ? Et si l’armée ukrainienne n’était en fait qu’une coalition de combattants d’Azov et de « corps d’élites anglais (SAS) US ou autres djihadistes » ? Ces trésors d’imagination sont déployés par un ancien sénateur français pour mettre en doute le fait – d’ores-et-déjà abondamment documenté – que l’armée russe a bien assassiné de nombreux civils autour de la capitale ukrainienne.

Depuis le début de l’invasion de l'Ukraine, Yves Pozzo di Borgo, sénateur UDI de 2004 à 2017, se charge de relayer l’essentiel des arguments du Kremlin pour justifier son agression militaire. Il partage à ses abonnés sur Twitter les publications de l’ambassade de Russie en France, dont les outrances ont déclenché les protestations officielles du ministère français des Affaires étrangères. Le compte de l’ambassade rend même parfois la politesse à l’ex-sénateur en relayant ses propres tweets.

Une coopération qui semble payer. Le compte d’Yves Pozzo di Borgo étant passé de 55 000 followers début mars à presque 61 000 début avril. Il est même sorti de sa confidentialité grâce à une invitation dans l’émission d’André Bercoff, sur Sud Radio, le 28 février, en compagnie de Slobodan Despot, proche des milieux identitaires et russophiles et animateur du site de « réinformation » Antipresse. Une audience française inespérée pour le Kremlin alors qu’il ne peut plus compter sur ses relais traditionnels, RT France et Sputnik, cibles des sanctions de l’Union européenne.

L’ancien sénateur nous apprend donc que l’Ukraine serait « une plaque tournante du trafic international d'enfants » ; que les Américains auraient mis la main sur « toutes les structures étatiques et militaires de l’Ukraine depuis 2014 et même avant » ; que les fixeurs des journalistes français en Ukraine seraient « tous tenus par le SBU [les services de sécurité ukrainiens] ». Des théories du complot sur la guerre en Ukraine publiées à un rythme frénétique qui côtoient autant de fictions sur les vaccins contre le Covid-19 qui seraient « à l’origine d’une forme de SIDA ».

Piqûre de rappel

Yves Pozzo di Borgo se fait le porte-voix des théories complotistes les plus folles, et le relais des sites conspirationnistes les plus toxiques, depuis longtemps déjà. Macron aurait-il encore des liens avec la banque Rothschild, s’interroge-t-il par exemple en février 2019 en partageant un article de Nouvelordremondial.cc, l’un des sites les plus consultés de la complosphère francophone qui se présente comme une « plateforme de réflexions et de théories controversées sur le nouvel ordre mondial, les ovnis, le paranormal, la société ».

Le site n’en est pas moins une des sources favorites de l’ancien sénateur. Tout comme Planetes360, un site français d’extrême droite qui diffuse des contenus à caractère conspirationniste notamment sur la pandémie de Covid-19. Ou Le Courrier des Stratèges, blog animé par Éric Verhaeghe qui se demandait récemment si Emmanuel Macron allait envoyer les non vaccinés « dans des camps ». Ou encore Réseau Voltaire, le site de l'auteur complotiste français Thierry Meyssan. En fait, c’est tout l’écosystème complotiste français qui y passe, ainsi que ses obsessions les plus classiques : l’État profond, Rothschild, l’Islam ou encore le milliardaire juif américain George Soros.

Avant que les chars russes ne partent à l’assaut de Kiev, Yves Pozzo di Borgo est devenu l'une des figures de la sphère dite « covidosceptique ». Le 23 janvier dernier, il s’appuie sur un article du site Qactus, relai français de la mouvance complotiste américaine QAnon, pour alerter sur une « Prochaine Fausse Pandémie enclenchée après la fausse accalmie du pass sanitaire ». Le 10 mars, il présente « les nouvelles révélation choc d'Alexandra Henrion-Caude », généticienne covido-conspirationniste à qui l’on doit le charmant concept des « amourons ». Le 14 mars il partage un article de FranceSoir, vaisseau amiral de la sphère covido-sceptique française. Il y est d’ailleurs invité le 25 mars, cette fois pour parler de l’Ukraine, ou plutôt pour « remettre l’histoire au centre du village » (sic). Le site a été épinglé comme le relai de désinformation le plus influent en France en 2021 par NewsGuard.

Pendant la pandémie, l’ex-sénateur laissait déjà entrevoir son tropisme pro-Kremlin. Il y a un an, il affirmait que le vaccin russe Spoutnik V serait le meilleur des cinq vaccins analysés par la Hongrie. La source ? Le média d’État russe Sputnik. Apparemment suffisant pour réclamer, à l’unisson de Moscou, que le Spoutnik V soit intégré au pass sanitaire en Europe. L’invasion de l’Ukraine n’a été que l’occasion d’un retour aux sources.

Bons baisers de Crimée

Dès 2015, alors encore vice-président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat, il s’était fait remarquer en participant avec Thierry Mariani, Nicolas Dhuicq ou encore Jacques Myard, au premier voyage diplomatique en Crimée après son annexion par la Russie.

Une ballade en territoire sous occupation illégale organisée par l’association Dialogue Franco-Russe, officine d’influence du Kremlin co-présidée par Thierry Mariani et Sergueï Katasonov, député de la Douma, le parlement russe, jusqu’en 2021 et membre du Parti Libéral démocrate de Russie (LDPR). Une formation politique ultra-nationaliste, ultra-conservatrice, et dont le fondateur, Vladimir Jirinovski, décédé il y a quelques jours, rêvait de « brûler Paris » et d’« atomiser Berlin ». Fin décembre, il réclamait le bombardement de Kiev.

Le but du voyage : légitimer le coup de force du Kremlin. « La Crimée est russe », affirme alors Thierry Mariani. Yves Pozzo di Borgo en avait quant à lui profité pour poser tout sourire avec un tee-shirt où l’on pouvait voir Poutine dire en russe à Barack Obama : « tu es un couillon ».

L’année précédente, Yves Pozzo di Borgo faisait déjà partie de ces politiques français – en compagnie de Jacques Myard mais aussi de Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Pierre Chevènement – venus écouter Sergueï Narychkine, président de la Douma pourtant interdit de séjour en France. Une rencontre organisée à l’ambassade de Russie, là encore par le Dialogue Franco-Russe, et couverte en exclusivité par la chaîne d’extrême droite TV Libertés.

Plus récemment, le 11 février, rebelote au Sénat avec une conférence organisée par Oleg Volochine, député d’opposition ukrainien accusé par Washington et Kiev de participer à des opérations de déstabilisation au bénéfice de la Russie. D’après Le Parisien, Yves Pozzo di Borgo est une fois de plus présent à cette rencontre. Deux semaines avant l’invasion de l’Ukraine.

Interrogé par Le Monde au sujet de ses positions sur la guerre en Ukraine, l’ancien sénateur, qui n’a pas donné suite à nos sollicitations, répondait : « Si je réagis sur Twitter c’est parce que j’ai été énervé par le narratif des médias mainstream, souvent au détriment de la réalité que j’avais perçue ». Il semble en effet s’informer ailleurs. En accusant le 4 avril les renseignements britanniques d’être responsables du massacre de Boutcha, Yves Pozzo di Borgo racontait en fait exactement la même chose que l’invité d’une émission diffusée un peu plus tôt à la télévision d’État russe.

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à propos de l'auteur
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Élie Guckert
Élie Guckert est journaliste indépendant. Il a collaboré avec Mediapart, Disclose, Bellingcat, Slate, Street Press et Conspiracy Watch. Il est l'auteur de Comment Poutine a conquis nos cerveaux, dix ans de propagande russe en France (Plon, 2023).
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